Il s´agit de l´un des évènements musicaux de cette fin d´année : Brian Eno, l´impétueux marchand de sable de l´industrie musicale, est de retour. Ne baillez pas, ça va aller.
Pour ceux qui auraient vécu dans un abri antiatomique ces trente dernières années, un petit rappel des faits s´impose. Brian Eno est aujourd´hui considéré, et à juste titre, comme l´un des acteurs majeurs de la musique contemporaine : il suffit de voir comment le britannique, que ce soit en qualité de producteur ou de musicien, a marqué sa discipline pour s´en persuader. U2, David Bowie, Depeche Mode ou encore Coldplay : autant d´artistes produits par Eno qui ont forcément bercé un moment de votre vie (la réalité est parfois difficile à assumer). Si l´homme est donc un producteur aguerri, il ne faut pas oublier qu´il dispose, aussi et surtout, d´une carrière solo conséquente – il est notamment vu comme le père créateur de l´ambiant grâce à son album Music For Airports, sorti en 1978. Un constat qui en appelle alors un autre : Brian Eno étant chauve, le jesus-style est passé de mode chez les prophètes.
S´agissant du premier album solo de l´artiste depuis 2005 et le très beau Another Day On Earth, autant dire que Lux était attendu par tout programmateur de musique d´ascenseur qui se respecte. Sans surprise, les productions proposées ici correspondent au juste prolongement des précédentes recherches musicales du musicien. Il ne sert à rien de parler ici de technique, je ne veux pas prendre le risque de vous endormir. Surtout, l´album ne se juge pas pour ce qu´il est – quatre pistes sobrement intitulées Lux 1, Lux 2, Lux 3 et Lux 4, d´une vingtaine de minutes chacune – mais pour l´expérience sensorielle totale qu´il procure. Car Lux, c´est avant tout une atmosphère abyssale et poétique vouée à diffuser dans votre esprit de nombreuses images sous-marines et bucoliques. Pour certains, cet album pourrait devenir le nouvel accessoire indispensable des soirées chez les femmes de mauvaise vie, tandis que d´autres ne pourront supporter plus de vingt secondes les longs sanglots monotones des pianos traversant chacun des morceaux.
Au vu de son format, le disque peut finalement se résumer à une longue ritournelle onirique de 75 minutes où cordes et piano se plaisent à nous hypnotiser. C´est d´ailleurs l´une des caractéristiques de la musique d´ambiance : s´affranchir des lois temporelles au travers de longues et douces mélodies qui, ne disposant d´aucun repère, s´amusent à faire valser vos neurones vers l´absurde. En ce sens, Lux est une oeuvre interactive, infinie et indéfinie puisqu´elle se mue en fonction de votre état d´esprit. Et là repose assurément la grande force du disque : Lux est un album inconscient ; c´est un petit train qui a pour unique moteur le souffle de votre imagination, immense place de douceur, utopie post-moderne par excellence, que l´on imagine parfois paisible et fleurie, parfois sombre et sinistre. Brian revient à ce qu’il l’a popularisé et produit du Eno.