Flying Lotus / Until The Quiet Comes

 

Mais qui est vraiment Flying Lotus ? Lui-même se pose toujours la question à en croire son quatrième album Until The Quiet Comes. Steven Ellison est un de ses grands artistes avant-gardistes – tout comme Sun-Ra le fut à son époque – qui traduisent la musique comme une expérience sensorielle intense. Avant d’être un grand musicien de notre époque (n’ayons pas peur de l’affirmer), Flying Lotus est avant-tout un concept. Pour lui, la musique ne s’arrête pas à des sons, elle s’écoute avec l’esprit. Toujours dans cette même optique lancée sur son premier album 1983, FlyLo nous invite à bord de son quatrième et nouveau vaisseau lysergique minutieusement élaboré où chaque nouvelle piste est une galaxie. Review au track-by-track de l’engin.


 

Ses albums ne se définissent pas, ils se vivent et il revient à chacun de construire leurs univers. Avec tant de sensibilité et tant d’ingéniosité, on ne peut rester insensible à la qualité exceptionnelle de la production d’Until The Quiet Comes. Mais les voyages sont parfois trop courts, et c’est encore sur ce point que l’album trébuche, comme sur son précèdent LP. Ce qui laisse une fois de plus à nos petites oreilles humaines l’arrière gout d’une belle expédition étouffée dans l’oeuf !




 


Ouvrons donc le capot du nouveau joujou de Steven Ellison pour comprendre à quoi il tourne. On découvre sur le moteur une infime couche de particules de free jazz ambiance « spatiale », quelques traces de drumkit hip hop héritées de Dilla, et le tout gracieusement lubrifié par de l’expérimental. En résume, nous avons les mêmes ingrédients que sur Cosmogramma, aucune révolution en vue… Et au vue de la guestlist, on s’aperçoit de même que FlyLo a rappelé une écurie similaire de grands techniciens : on retrouve l’écorché vif Thom Yorke, le puissant bassiste Thundercat, les voix abyssales de Niki Randa et Laura Darlington (Compagne de Daedelus) ainsi que les riches sonorités de Miguel Atwood Ferguson. On notera volontiers qu’Erykah Badu a pris bonne place dans cette dream team. Mais alors quelles sont les véritables innovations sur ce nouvel album ? Je vais vous le dire ma bonne dame : dans la vitesse progressive que prend l’album et l’ivresse qui en découle. 

 

 

À l’inverse de Cosmogramma, Until The Quiet Comes ouvre doucement avec des mélodies bien plus affirmées. Exit les grosses basses saturées dès l’entrée. Les six premiers tracks (qui auraient presque pu n’en faire qu’une) sont une invitation à la détente. Comme il le dit lui même, « l’album est construit pour les rêves d’enfants« . Et on se laisse volontiers entrainer. Ça commence avec All In, qui est, comme le titre l’indique, la preuve qu’on est tous dans le même bus et qu’on ne sait pas vraiment quelle est la destination… Peu importe, c’est le trajet qui compte !




 


Prochain arrêt : Getting There. Attirant comme le chant des sirènes, la voix de Niki Randa s’entremêle de douces notes sur un beat très basique, c’est simplement magistral et ça met son auditeur en confiance. « OK chérie, je te suis ! Tu m’as eu« .


 

On continue doucement dans les profondeurs avec Heave(n), puis arrive déjà Tiny Tortures et son sublime arpège de notes de basse signé Monsieur Thundercat, l’ex-bassiste de Suicidal Tendencies. L’ambiance subaquatique que ce morceau dégage démontre encore et toujours la richesse technique de Flying Lotus. Mais ça, personne n’en doutait ! Le sursaut arrive sur l’étrange mais étonnant Putty Boy Strut et ses sons en provenance d’un monde parallèle. Est-ce le dialecte robotique de Wall-E, un message audio perdu dans l’espace ? Le principal, c’est que ça fonctionne et ça remplit sa mission ! Puis s’enchaine le titre qui à déjà fait le tour de tout les blogs, See Thru To U avec la divine Erykah Badu qui reste bien à sa place et le tout sur une atmosphère épurée. Il faudra attendre The Night Caller pour sentir une légère accélération. On survole ensuite l’univers d’Electric Candyman avec un Thom Yorke hypnotisant mais un cran en dessous du service habituel. Puis L’album se referme doucement mais surement en mode spacio-ambient (Me Yesterday//Corded, Dream To Me).



 


Until The Quiet Comes est donc un nouveau chapitre du périple que FlyLo a débuté il y déjà 6 ans. Une évolution sans révolution mais sans aucun doute un grand album pour ce millésime 2012. Chose que Warp a bien compris au vue du plan de communication de grande ampleur digne d’une écrasante major : amplifier l’effervescence de l’album bien en amont, ajouter à ça des belles vidéos créatives pour inonder les blogs les plus hypes puis finir avec la sortie physique de l’album dans de magnifiques coffrets digne d’une smartbox de la Noël pour tes parents. Sauf qu’ici, tu ne te fais pas avoir par une vendeuse. Tu sais qu’avec Flying Lotus, tu repars avec une valeur sûre. Son voyage n’a pas trop d’itinéraire mais il connait très bien la route. Il la connait tellement bien qu’il nous la montre trop rapidement. Quelques immersions plus longues à travers les morceaux auraient été appréciables. Mais il suffit de faire confiance au commandant pour passer 47 minutes au dessus de la stratosphère et d’en revenir complètement détendu. Puisse le lotus voler toujours aussi haut.

 

 

 

Benoît Filliat