Depuis que Chromatics a pris la route avec Night Drive en 2007 tout roule pour Chromatics. Anciennement chair à triples A dans les agences de notation type Pitchfork, leur invitation à mettre en musique le machouillage de cure-dent sur la B.O de Drive en 2011, a propulsé leur Italo-Disco du rang de somnifère chic et chiant à celui de compagnon de nuits blanches.
Toujours installé dans la production de buanderie, entre le linge humide de l'Italo Disco et cette essoreuse qu'est le post-punk, Chromatics emprunte la même route qu'autrefois mais nous conduit aujourd'hui au delà de ses limites sans jamais toucher la réserve. Si Kill For Love est toujours le théâtre de nuits moites et voluptueuses, il marque aussi l'heure pour Chromatics d'avoir le tube discret et l'essai peu blousant.
Scindé en deux LP, Kill For Love est en fait une paire de frères siamois rattachés par la tête mais aux corps et aux codes génétiques foncièrement différents. Si la première partie aligne les strikes Italo dans son coin, la seconde laisse parler une brume citant Stockhausen, Cage et quelques membres éminents de la musique sérielle ou répétitive. Un choc thermique moins désagréable qu'il n'y paraît, car si récemment Johnny Jewel confiait sur PItchfork avoir hésité jusqu'à la dernière minute avant d'inclure la deuxième partie, par bien des aspects, le choix s'avère judicieux. Bien qu'ultra camp, kitschissime, maniéré et volontairement daté, Chromatics n'a jamais vraiment pu être considéré comme un groupe frivole. Kill For Love est objet cohérent dans son intégralité et cette deuxième partie symbolise moins l'envie de forcer sur le côté intello-disco que de lever le voile sur un groupe cultivé et maitrisant le langage de la B.O (ses atmosphères, ses accents dramatiques).
Sur ses 17 titres (90 minutes), ce quatrième album reste loyal à l'ambition de Chromatics d'offrir une pop que l'on palpe du bout des doigts, au pouls doux et délicat, épuisée mais en perpétuelle régénérescence. De sa disco fatiguée jusqu'à sa politique d'austérité, Kill For Love caresse son auditeur sans avoir à suivre le sens du poil. Chromatics retient la nuit, et l'ombre d'un album, on souhaiterait que le jour ne se lève plus.