Jeune homme toujours en fleurs lors de la sortie de ses deux premiers albums en 2010 et 2011, Dylan Baldi n'avait pour unique ambition en ce temps que de calquer très proprement le punk acnéique typique des côtes californiennes. Que voulez-vous, on n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans. Mais Dylan vieillit et son punk qui jadis avait du plomb dans l'aile, en a pris dans la cervelle sur ce troisième album.
Dylan Baldi est l'individu post-moderne – à la personnalité fragmentée – dans toute sa splendeur. En apparence geek WASP à la dégaine d'informaticien, Dylan a un terrible secret: il pratique le punk à temps plein. Toutefois si on parle de punk ici, il est toujours bon de nuancer. Loin du rock de combat des Crass et des Clash ou de la version décérébrée des Spits et Ramones, Cloud Nothings c'est le mélo à états d'âme des Buzzcocks ou encore la Californie de Bad Religion.
Oui, des souvenirs adolescents que la plupart d'entre nous ont rangé dans un tiroir à part nommé corbeille mais que Baldy honore avec une certaine élégance. Ça ressemble à un oxymore mais Cloud Nothings c'est du punk sophistiqué. Voire du punk à songwritting. Si près et pourtant si loin de l'album précédent, Cloud Nothings s'est fixé pour ambition d'élaborer des titres d'une rare complexité au sein d'une discipline où la désinvolture est pourtant reine.
C'est ça Attack On Memory, une croisade iconoclaste afin d'élever ses amours de prime jeunesse. Le choix de Steve Albini à la production en est un symbole clair. Producteur pour Nirvana ou les Pixies (pour ne citer qu'eux), même si la légende veut qu'il joua au Scrabble pendant toute la production de Attack On Memory (histoire vraie et gage de qualité du produit brut) Cloud Nothings avait besoin d'être vu par l'œil témoin de cette époque et retouché de la main qui a façonné ses influences. Et quoi qu'il en soit, la production fantôme est une habitude chez Albini: on la sent sans jamais vraiment l'apercevoir.
Toujours viscéral, urgent et opiniâtre, via Attack On Memory, Cloud Nothings a dépassé le stade du nostalgisme ou de revival pour élaborer une pièce-montée truffée au fiel. La bande à Baldy n'a pas lâché le bracelet à clous, il l'élève au rang de bijou.