Pour s'échapper de son Nouveau-Mexique natal, Zach Condon a moins usé du Crystal Meth ou de la highway to Tijuana que de ses fantasmes pour la France de Godard et les fanfares de l'Est. Après deux essais proches du chef d'œuvre, à l'Ouest rien de très nouveau, Beirut revient avec "The Rip Tide", un journal intime où il fait sortir son spleen de cage.
Une œuvre est toujours le reflet de son auteur et si, à première écoute, “The Rip Tide” donne le sentiment d'un Beirut devenu l'ombre de lui-même, c’est que cet album fait suite à une phase de turbulence identitaire chez Zach Condon. Enchainant plus de tournées qu'un pilier de bar, fraichement marié et installé à Brooklyn avec ses deux chats (Orly et Charles De Gaulle), Zach, quelque peu à l’étroit dans sa nouvelle peau de grand garçon, s’est lancé dans une catharsis. Thérapie sur neuf titres, "The Rip Tide" reprend les grands poncifs de ses œuvres d’antan, la grandiloquence en berne.
Santa Fe – The Rip Tide by PompeiiRecordingco
Mais entendons-nous bien, ce troisième album n'est pas du Beirut allégé. C'est du Beirut de chambre, de canapé. Un peep-show des états d'âme de Condon ou un grand déballage de grisaille à la démesure orchestrale bridée par cette intimité retrouvée. Le moral quelque peu dans les socquettes, Zach prend le parti de ne pas faire hurler les clairons et revient même papillonner vers ses amourettes électroniques d'adolescent. Une remise en question assez peu brutale puisque Zach susurre toujours quelques citations des Balkans, de Brel ou Gainsbourg.
Sur ce troisième LP, Beirut essaie d'imposer une signature plus prégnante, de braquer l’objectif sur lui et de flouter les contours de son esthétique. Moins Beirut mais plus Zach Condon, "The Rip Tide" est son œuvre la plus sincère et confidente. Centré sur son aimable personne, abordant ses propres expériences, cet album n'a pas de "Sunday Smile" ou de "Nantes" mais un "Santa Fe" ode à sa ville natale, symbolique de son envie de s’aborder. L'huitre s'est ouverte sans laisser de perles derrière elle.