Jay Z & Kanye West / Watch The Throne

Les deux plus grosses fortunes du hip hop semblant s'ennuyer entre une partie de golf et un vernissage, pondent un album collaboratif prétentieux et sans ambition. En attendant une association entre Will Smith et MC Hammer, contentons-nous de "Watch The Throne".     

Avoir Woody Allen et Clint Eastwood sur une même affiche, Lionel Messi et Christiano Ronaldo en pointe d'une attaque, Petit Poney et les Bisounours dans un même monde merveilleux ou Jay-Z et Kanye West sur un même album implique un tel degré d'expectation auprès du public, qu'un simple pied dans le tapis chez eux équivaudrait à une chute libre dans le Grand Canyon pour le commun des mortels. Autant le préciser immédiatement "Watch The Throne" n'est pas un album raté. Il n'est tout simplement pas un grand album et venant de Jay-Z et Kanye West, c'est évidemment moins pardonnable. Il y a certains artistes chez qui on ne supporte pas la médiocrité.

Voilà, des mois d'attente, un album repoussé sans cesse histoire de provoquer nos glandes salivaires pour finalement récolter un plat de cantine réchauffé, vu et revu. Peut-être aurions-nous dû nous fier à cette pochette beauf-chic signée Riccardo Tisci (D.A de Givenchy) mais "Watch The Throne" fleure mauvais la ménopause artistique. Il y a moins d'un an, Kanye se trouvait dans la grandiloquence et l'excès Baroque sur "My Dark Twisted Fantasy". Ces temps-ci, ses envies de grandeur le feraient presque se comporter comme un roi sans couronne : de grands projets, de grands moyens mais dans les actes on ne voit qu'une montagne accoucher d'une souris. Un tantinet à l'ouest (aucun jeu de mot n'est a noter ici) Kanye deviendrait peu à peu le dindon de la frasque : d'abord des comparaisons mégalo-freak à Hitler sur scène (Parfois, je sors de l'hôtel, je marche dans la rue et les gens me regardent comme si j'étais dingue… comme si j'étais Hitler) puis un "Watch The Throne" accusant de beaucoup de moyens sans grandes ambitions. Car si Jay-Z s'en tire très honorablement, c'est la partie production, Kanye West et son œil de producteur en chef, qui souffre le plus. Officiellement peu impliqué dans la production de l'album, M. West aurait peut-être dû mieux superviser sa dream team (RZA, Neptunes, Pete Rock, Q-Tip, No I.D, Swiss Beatz…) de beatmakers, grandement responsables de la gadoue sur "Watch The Throne". Samples m'as-tu-vu disposés, ici et là, sans grand ouvrage intellectuel (Nina Simone sous autotune), plus impressionnant que franchement efficace, production paresseuse, arrangements en plaqué-or ou encore location de starlette grimpante (Franck Ocean), "Watch The Throne" dévoile des artistes plus inscrits dans la démonstration que dans l'Entertainment.


Énorme point de sauvetage : les lyrics. Kanye comme Jay s'évertuent à sortir des sentiers battus – égotrips ou autres clichés du genre – en endossant des rôles à contre emploi (Jay Z, pas franchement réputé pour ses introspections est superbe en rappeur torturé sur "Welcome to the Jungle"). So What? Quelques soient ses bons côtés, et aussi sincère soit-il, "Watch The Throne" résonne comme une petite distraction entre moneymakers, tellement torché à la va-vite qu'on se demande pourquoi a t-il été autant repoussé. Peut-être parce que ces messieurs sont fins businessman, et après tout, l'album a atteint les sommets des ventes en moins de 24h sur iTunes.  

Trop peu pointu, fignolé avec les pieds et peu joueur avec son auditeur, "Watch The Throne" n'a que de maigres atouts pour séduire l'auditeur averti. D'un autre côté, n’étant absolument pas formaté FM et symbolisant l’antithèse de l'efficacité sur les masses, cet album ne va même pas chatouiller le mainstream. Si l'album montre des rois aux culs coincés entre deux trônes, ils n'ont pas pour autant perdu leur couronnes. Le médiocre de certains surpasse le grandiose des autres.