Label : Makasound
Sortie : 29.04.2008
Michael G. Ashley restait jusque-là un homme de l’ombre de la musique jamaïcaine ; aussi méconnu du grand public qu’incontournable, ses changements de noms successifs n’ont certainement pas aidé à l’identifier : de Mikey Dread (avant que Michael Campbell n’emprunte ce pseudonyme) à Mikey Ras Starr, son nom de « Soul Rebel » (sous lequel paraît cet album inédit), puis dès les années 80, alors qu’il s’était déjà exilé en Amérique pour des raisons politiques et de survie (le prix de sa puissance dans le ghetto) : Haile Maskel signifiant en Amharique « la Puissance du Crucifix », suite à son baptême par l’Eglise Ethiopienne Orthodoxe. Sous ce nom, il cofondera le groupe The Rastafarians. Pour faire les présentations, et vous convaincre que son influence n’est pas usurpée, laissez-vous emporter dans cette liste de noms: première expérience studio au Randy’s, avec Ras Michael [pour l’hymne Nyabinghi « Run Come Rally Rally Round »], ami proche de The Wailers, Horsemouth, Winston McAnuffet Peter Tosh(qu’on retrouve au piano sur l’album), arrangeur de Black Roots signéSugar Minott, bassiste de Kiddus Isur Graduate in Zion (la bande son du film « Rockers »), des groupes Light of Saba de Cedric « I.M. » Brooks et The Aggrovators… et intronisateur de ce nouveau style de ligne de basse évoquant un tambour africain sur Same Song d’Israel Vibration. Point besoin d’en dire plus, si ? En bref, il a participé à la plupart des productions de l'île des années 70. Mais nous ne pouvons nous abstenir d’évoquer aussi Bob Marleydont il était intime et qui lui fera d’ailleurs l’honneur en 1975 de produire « Got to say Love », un des titres forts de l’album.
Ainsi, pour Fire & Rain, composé de 10 titres à la base (en 1979) et augmenté de 6 titres bonus lors de sa véritable sortie (2008), des musiciens tout aussi prestigieux que ceux cités (outre Peter Tosh, on retrouve parmi eux les grands Bunny Wailer aux percussions, Carlton Barrett à la batterie ou Robbie Shakespeare et Val Douglas à la basse) ont eu l’heur de mettre en notes les titres écrits, chantés, composés et arrangés dans la plus pure tradition du roots-reggae de la fin des 70's par ce talent trop longtemps ignoré. Sensible aux « screaming guitars » à la Jimi Hendrix pour l’énergie et l’intensité qu’elles dégagent, Mikey Ras Starr peaufine l’orchestration autour du reggae grâce aux mélodies, et aussi l’utilisation de guitares ou synthétiseurs. Il en résulte un reggae sophistiqué, cool mais sombre, à la fois spirituel, africanisant et romantique, comme Peter Tosh, à qui son chant grave et profond fait indéniablement penser… C’est vous dire sa puissance vocale ! Ecoutez, par exemple, « Some say this » ou « The Time has come » pour vous en faire une idée. Les enregistrements, compris entre 1975 et 1984, mettent en lumière le perpétuel mouvement dans lequel s’inscrit Mikey Ras Starr notamment au niveau de la production et évitent la lassitude, bien qu’à mon sens, la seconde partie du disque (et surtout « Jah Higher High » ou « Come back Sunday Mornin’ », malgré le travail de composition à l’œuvre) soit un cran au-dessous, tant il est difficile de faire suite au splendide « Coomaya (African Herbsman) », dont les percussions ouvrent sur un skank endiablé, et aux irrésistibles « Jah Man Calvary », « Porgy » et « Tafari Safari ». Toutefois, les enivrants « Market Place Revolution » et « Fire & Rain » tordront cette impression et introduiront intelligemment les dubs de fin d’album en passant par « Cornfield ». Aussi, à la nuance près que la version originale de « Some say this » aurait donc du trouver une autre place dans la tracklist, comme Makasound fait bien les choses, un livret contenant les photos d’époque (et quelle époque !) et une interview de Mikey Ras Starr accompagne ce classique que tout amateur de reggae se doit de posséder.
[01] Some say this (04:51)
[02] The time has come (03:53)
[03] Coomaya (African Herbsman) (03:54)
[04] Porgy (05:16)
[05] Tafari Safari (03:58)
[06] Jah Man of Calvary (05:02)