Sortie: 06.09.2010
Artwork : Tony McDermott (cf. les classiques de Greensleeves Records)
Les mauvaises langues se délient : « Duppy Writer, un retour de Roots Manuva ? Plutôt un recyclageà l'occasion du 20ème anniversaire de Ninja Tune (dont Big Dada est la branche hip-hop), un best of remixé par avec le DJ et producteur reggae Wrong Tom (collaborateur récurrent du groupe d’indi rock Hard-Fi et dont le CD bonus de Slime & Reason (2008) comprenait certains de ces mixes)… D’ailleurs, il n’y a qu’un seul inédit : la bombinette « Jah Warriors » avec Ricky Ranking (qu’on retrouve plus loin aussi sur « Dutty Rut », pour un british reggae non moins réussi). Non, Rodney Smith, autrefois connu comme le tenancier du british rap, n’est plus ce qu’il était si, après deux ans d’absence discographique, c’est tout ce qu’il est capable de nous présenter.» Ça fera sûrement « in » de tenir de tels propos, dans une posture de fan de la première heure désabusé. Il n’empêche qu’ils n’en constitueront pas moins une ineptie hors de propos : d’abord, parce qu’il s’agit d’une rencontre, non d’un projet du seul britannico-jamaïcain, et qu’à ce titre, ce sont deux personnalités qui s’expriment conjointement ; Ensuite, et en conséquence, puisque les 10 titres (en excluant les deux skits sympathiques et l’inédit) sont extraits du répertoire de la figure de proue de Big Dada, il paraît logique que le DJ producteur ait pris les manettes de la direction artistique (excluant pour la première fois Roots Manuva de la production). Or, Wrong Tom a conçu cet opus comme si chaque titre était issu d’une époque différente du reggae : un pari réussi avec minutie. Sans les passer tous en revue, vous y entendrez donc du early dancehall (« Big Tings Gwidarn Redone »), du dancehall des années 80 (« Motion 82 » qui a perdu 4918 points dans sa version 2010) puis des années 90 (avec le dubstep crank « Chin Up » ou le digi-dub « Rebuff »), du reggae (nu-)roots (sur l’irrésistible « Worl’ A Mine’s » et « Proper Tings Juggled ») ou encore du skank (joliment mis en boite sur « Butterfly Crab Walk »). Fans du flow de Roots Manuva et amateurs de reggae, régalez vous ! Quant aux autres…
… Savoir si c’est ou ce n’est pas un “vrai” album de Roots Manuva est vain. Plus simplement, considérez la qualité du « versioning » effectué (quand les artistes utilisent des riddims chauds bouillant pour donner encore plus de puissance à leur voix) et comparez avec les anciennes versions pour vous rendre compte à quel point ces remix sont dignes d’intérêt. Pour enfoncer le clou, « duppy », comme vous le lirez dans nombre de chroniques, semble signifier en patois jamaïcain « fantôme », donc au choix : un esprit, une ombre, un souvenir qui hante les mémoires, une chimère,… Rien que le titre suscite une réflexion intéressante si on le rapporte aux différentes facettes du projet car Wrong Tom fait planer l’esprit d’une rétrospective de la musique jamaïcaine en support de titres passés dans la mémoire collective, à moins que ce ne soit le flow empesé et les textes troisième degré de Roots Manuva qui réapparaissent sur ces nouvelles productions comme une ombre se fond dans un décor ? Peut-être même assistons-nous à une chimère telle que les titres originels auraient pu exister si le climat ensoleillé des Caraïbes avait substitué le climat londonien lors de leur création. Je vous laisse répondre à ces questions que seule l’écoute sans a priori pourra vous suggérer.
[05] Big Tings Redone(4:27)