Il est des mystères que l’entendement aura toujours des difficultés à percer. Cet album, Visions Of Dawn, en est un : comment un tel chef d’œuvre d’acid-folk, enregistré par trois légendes brésiliennes, a-t-il pu rester inédit durant trente-trois années ? Nous sommes en 1976, à Paris. Joycé Silveira Palhano de Jesus, (prononcez: « Joy-say »), communément et simplement nommée Joyce (Moreno), allie sa voix magnifique à la guitare de Mauricio Maestro (bassiste et co-chanteur, avec Ze Renato, du groupe de samba Boca Livre) et aux percussions du maître Nana Vasconcelos (dont Gilles Peterson, excusez du peu, est totalement fan). Tous trois se connaissaient au travers de leur participation respective aux projets A Tribo et Luiz Eça Y La Familia Sagrada. Depuis, Joyce nous a égaillé l’ouïe de pas moins de vingt albums solo et une myriade d’apparitions aux côtés, entre autres, d’Elis Regina, Toninho Horta ou Vinicius de Moraes
Mais pour ceux qui pensaient tout connaître de ses quatre décennies de carrière, voici Visions of Dawn et son acid-folk de haute voltige, où le folk acoustique plane sur des volutes un brin psychédéliques évanescentes entre des éléments de jazz, de bossa et de samba ! Cet opus constitue, qui plus est, véritablement un point de jonction entre ses collaborations avec Nelson Angelo et sa future musique. Il est donc temps de vous le présenter un peu plus précisément. Son coeur est une suite tryptique enchaînant un langoureux et hypnotique « Memorias Do Porvir » avec un psychédélique « Visões Do Amanhecer » (dans le même titre) – les visions de l’aube (de demain, donc) s’entremêlant aux souvenirs – puis un « Carnavalzinho » rythmique aux symbales omniprésentes. Entourant cette suite centrale, de l’insouciance délicieusement bossa de « Banana » à la berceuse mélomagnifique « Clareana » – nommée ainsi en hommage aux filles de Joyce, Clara et Ana –, en passant par les samba de « National Kid », agrémenté d’un scat somptueux, ou de « Metralhadeira » dont les harmonies vocales entre Joyce et Mauricio Maestro, également à l’œuvre sur « Jardim Dos Deuses », sont superbes, ce qui impressionne justement, c’est la synergie entre ces artistes : intuitive, sincère, sans sophistication. Ainsi, « Tudo Bonito » par ailleurs devenu un hit ne connaît de meilleure version. Pas étonnant donc que l’album se clôture sur un « Chegada » achevant sa douce brise harmonique sur un orgasme de toute beauté, un souffle… Notons enfin également l’excellent travail d’artwork réalisé qui ne gâche rien et résume à merveille l’esprit de l’époque et la connexion (multidirectionnelle) ressentie à l’écoute de l’album.
Arnaud Sorel pour 90pm.com
Tracklisting :
[01] Banana (5:34)
[02] Clareana (2:26)
[03] Metralhadeira (2:57)
[04] Nacional Kid (2:47)
[05] Tudo Bonito (2:45)
[06] Memorias Do Porvir – Visoes Do Amanhecer (6:39)
[07] Carnavalzinho (1:52)
[08] Jardim Dos Deuses (5:34)
[09] Chegada (4:40)