Joell Ortiz / The Brick: Bodega Chronicles

Depuis quelques années New-York est eclipsée par le Dirty South et peine à trouver un remplaçant digne de Biggie pour regagner sa suprématie tant sur le plan artistique que commercial. On nous annonce régulièrement avoir tro

cute;gralité par son producteur attitré depuis ses débuts, Cage, l'album pousse encore plus loin les sons électroniques, le mélange hip-hop, rock, electro et drum'n'bass qui donne ce son si lourd et caractéristiques du grime et du grindie. Car « Sirens » le confirmait, Dizzee se rapproche comme d'autres rappeurs britanniques de ce courant qui mélange allègrement riffs de guitares et samples d'indie rock et beats grimes. Preuve en est l'ultra efficace Temptation, qui sample le morceau « Temptation greets you like your naughty friend » des Arctic Monkeys. Pour la petite histoire, ce morceau est sorti en avril 2007 sur un single, et qui était invité à rapper sur ce morceau ? Hé oui, l'ami Dizzee ! On pourrait également parler du morceau « Wanna Be », sur lequel Dizzee invite Lily Allen, pour un morceau énergique et très drôle. Bref, l'album lorgne pas mal vers ce son qui marche plutôt bien outre-Manche.

Bien sûr, Dizzee Rascal et Cage n'ont pas fait un virage à 180 degrés, et on retrouve ce son électronique si cher à nos oreilles, bien qu'il soit plus travaillé qu'auparavant, moins minimaliste, ce que lui reprocheront certains. « Pussyole 'Old Skool), deuxième morceau de l'album en est un parfait exemple. Utilisant le sample déjà archi-utilisé de « It Takes Two », et mélangeant le tout avec des nappes de synthés agressives et un break sorti dont ne sais-où mais qui fait un effet ravageur. Cette recette des nappes est utilisée sur d'autre morceaux comme l'excellent « Where's da G's ? », où Dizzee invite Bun B et Pimp C, les deux membres d'UGK, à venir poser, une collaboration assez inattendue, pour un morceau énorme au final. Pour rester sur le flow, évidemment que Dizzee n'a pas perdu la main, il est toujours dans le ton, tantôt fluide et ouvert, tantôt rapide et syncopé, tantôt agressif et rapide comme un coup de surin. Et les adjectifs s'appliquant au flow s'appliquent tout autant aux paroles. Il y a aussi ce morceau très lent, « Excuse Me Please » sur lequel Dizzee Rascal rappe lui aussi assez lentement, ce qui est plutôt inhabituel, et donne une impression de morceau un peu raté.

Pour revenir sur l'aspect fourre-tout, il est vrai que l'enchaînement des morceaux surprends : « Sirens », le fameux single à base de grosses guitares, se trouve coincé entre deux titres dont l'instru est beaucoup plus électronique. « Da Feelin », produit par un des spécialistes de la jungle et de la drum'n'bass, Shy Fx, arrive lui aussi un peu comme un cheveu sur la soupe, et sonne un peu comme de la jungle de supermarché. C'est un peu surprenant, mais bon, on pardonne. Surtout grâce aux morceaux comme « Flex » (un retour au 2-step, « Bubbles », « Hard Back (Industry) » ou encore « You Can't Tell Me Nuffin », qui font évoluer le son grime vers des choses plus construites et très intéressantes.

Au final, il est vrai que cet album a de sérieux défauts, et ce n'est peut-être l'album tant attendu par certains. Mais Dizzee et Cage se permettent une fois de plus de mettre les pendules du hip-hop anglais à l'heure. Donc non, peut-être pas l'album de l'année, c'est évident. Mais sûrement l'un qui aura le son le plus intéressant, un son qui risque bien de faire des émules.

Traulever pour 90bpm.com