Smif’n’Wessun / Reloaded

Première satisfaction, a la lecture du livret, 9th Wonder n’est en aucun cas impliqué dans cet album (le titre qu’il avait produit sur le Sean P était aussi un fiasco), et les producteurs sont variés et certains alléchants : Roc Raida et les Beatminerz en particulier. Première déception, à l’écoute du premier titre : Tek & Steele ont, eux aussi, un goût assez agaçant pour les beats ultra-synthétiques, goût qui se fait de plus en plus envahissant chez nos old-timers préférés. Malgré tout, le titre est agréable : les deux compères rappent toujours aussi bien, avec leurs flows très reconnaissables et leurs egotrips un poil racailleux. « The Truth » , produit par Roc Raida, est assez bon, dans un autre registre, mais trop court.
Un album estampillé Duck Down n’aurait pu être s’il n’avait compté son lot d’apparitions des P-N-C (Partners In Crime) du Boot Camp Click. C’est le cas dès « My Timbz Do Work » , où Rock & Ruck d’Heltah Skeltah apparaissent réunis pour notre plus grand plaisir. Bon, d’accord, l’instru n’est pas la plus complexe qu’il nous ait été donnée d’entendre, mais elle est suffisamment entraînante pour nous laisser apprécier les couplets des quatre rappeurs. Sean Price, divinement inspiré, nous assure que « My Timbz do work, you can ask Jesus Christ I take my Timbz to Church ». Comme indiqué précédemment, Tek & Steele ont fait appel aux producteurs que l’amateur averti ne peut dissocier du BCC, les Beatminerz, Mr Walt & Evil D. Ces derniers prouvent, l’espace de quatre titres, qu’ils sont capables de bien mieux que leur dernier album, « Fully loaded with Statik » , mais également qu’ils ne retrouveront jamais leur forme d’antan. Mais, bien que leurs oeuvres soient bien moins intenses et envoûtantes que par le passé, leur production basée sur des samples de Soul ou de Reggae (sur « A Hustlers Prayer » ) est celle sur laquelle Tek & Steele sont les meilleurs. Ce constat s’impose dès « Toolz of da Trade », réussi, et est d’autant plus évident sur « U undastand me ? » , probablement le meilleur titre de l’album. Dessus, Tony Touch, l’ami de toujours, et Starang Wondah des Originoo Gunn Clappaz viennent ajouter leurs voix à celles des Cocoa B’s, sur un sample aux sonorités latines, présence de Tony Touch oblige. Le morceau se rangeant juste derrière « U undastand me ? » au palmarès de cet album, « Crystal Stair » , est également produit par les Beatminerz, et comporte lui aussi un invité de marque, Talib Kweli.
Le reste de l’album est globalement agréable, mais une nouvelle fois un producteur trahi involontairement les rappeurs posant sur ses beats (ces derniers les ayant probablement choisis, après tout…). Coptic, qui produit 4 titres, est un fervent adepte des synthétiseurs criards et insupportables. Il réussit à plomber des morceaux au potentiel à priori intéressant, comme la collaboration avec Dead Prez, ou celle plus convenue avec Buckshot. A côté de ces quatre ratés relatifs, car les morceaux ne sont pas non plus inécoutables, « War » ou encore « Sick’em Son » font assez bonne figure. L’autre posse cut regroupant le BCC presque au complet, « Get Back » , est bon bien qu’un peu léthargique.
« Cocoa Brovaz is dead, murdered by Smif-n-Wessun », lance Steele dans l’album. En effet, le retour à leur nom originel a peut-être donné une impulsion à Tek & Steele qui livrent avec ce « Reloaded » l’album le plus réussi de la trilogie du BCC. Mais, malheureusement, la qualité de ce disque souffre de la comparaison avec le classique « Dah Shinin » qui révéla le duo. Le BCC n’est plus ce qu’il était, et ne livrera sûrement plus aucun album de la trempe de leurs sorties des 90’s. Malgré tout, l’auditeur qui mettra « Reloaded » dans son lecteur sans s’attendre à un « Dah Shinin Vol. 2 » mais à un bon album estampillé Boot Camp 2005 ne sera pas déçu. Et pourra espérer que le titre « Reloaded » signifie que Tek & Steele feront à nouveau feu dans les années à venir…