Il avait dans le regard une profonde tendresse et cette détermination dont les yeux avaient vu tellement de choses dans leur existence. Chaque rides sur son visage représentaient autant de parcours sinueux dans la vie du survivant qu’il était. Charles Bradley nous a malheureusement quitté en succombant à son dernier combat à l’âge de 68 ans.
Et pourtant, il en avait gagné un beau combat à l’issue de l’année écoulée. Il y a tout juste un an, on lui diagnostiquait une tumeur cancérigène à l’estomac, le forçant à annuler sa tournée pour l’album « Changes ». Ses paroles à l’époque se voulaient très rassurantes du fait du diagnostic réalisé à temps et à la mise en place de soins des plus efficaces. Et cela avait fini par payer puisqu’il y a quelques mois, le « Screaming Eagle of Soul » annonçait son retour avec encore une nouvelle tournée dantesque à travers le monde (une quarantaine de dates étaient encore prévues avant l’annonce de sa mort dont la Cigale à Paris en novembre).
Mais voilà, on a beau être un survivant, notre immunité n’est plus la même à près de 70 ans. Début septembre, son management nous informait officiellement que sa tumeur s’était propagée à son foie, le forçant encore une fois à annuler ses dates prévues. Une première alerte était intervenue fin août avec la suppression de seulement quelques dates. Même si encore une fois l’annonce se voulait positive, on commençait déjà à s’inquiéter.
A l’instar des Sharon Jones, Lee Fields ou encore Lynn Collins, la vie de Charles Bradley n’a pas été de tout repos. Un notoriété éphémère en début de carrière, une longue traversée du désert puis un succès tardif à partir des années 2000, voilà le parcours de ces guerriers. Si le grand public les voyait sur de grandes scènes ces dernières années, la plupart des fans savent-ils que ces artistes ont galéré pendant plus de 40 ans en faisant de petits boulots pour manger à leur faim (Sharon Jones fût gardienne de prison et Bradley était cuisinier dans divers rades) ? Peut être pas… Mais il n’est jamais inutile de le rappeler car c’est cette expérience qui leur ont donné la force et la foi pour persévérer dans le métier. Et c’est bien grâce à des labels comme Daptone Records et toutes les « filiales » de la soul vintage comme Dunham, la maison de disque en date de Bradley, que ces artistes ont pu renaitre de leurs cendres. En effet, si l’ensemble de la presse traditionnelle parle du premier succès de Charles comme étant sa reprise de Black Sabbath « Changes » fin 2015, les vrais amoureux de la soul savent que son impact commença dès 2002 chez Daptone avec plusieurs singles retentissants.
Évidemment, on ne va pas rentrer dans ce jeu débile de qui a découvert le soulman en premier. On retiendra surtout cette voix, ses gimmiks de l’idole James Brown, de son regard d’enfant, de ses tenues de scènes un peu serrées, de ses tomber du genoux dont on ne savait jamais s’il allait pouvoir se relever, des ses cris qui traversaient les salles de concert et de cette foi inébranlable en son dieu qu’il a fini par rejoindre après une vie au combien dense.
Vous pouvez relire et écouter notre chronique de son dernier album « Changes » :
De son vivant, Charles Bradley avait aussi fait l’objet du documentaire « Charles Bradley : Soul of America » retraçant son succès tardif :