Après son coming out en 2012, Frank Ocean était un jeune homme libéré. Libéré de ce secret inavouable dans le monde du hip hop. Libéré de s’être délesté d’un poids, alors même qu’il évoluait au sein de son crew Odd Future avec son comparse Tyler The Creator à qui on reproche régulièrement des paroles homophobes (Tyler avait pourtant soutenu son « nigga » à l’époque).
Mais quand on est gay et connu (et noir), la liberté a pour contre-partie tous les actes homophobes du quotidien, du simple regard de travers à l’insulte en passant malheureusement par des crimes comme celui perpétré il y a quelques jours dans une boite fréquentée par la communauté homosexuelle à Orlando. Ce drame ne pouvait pas laisser indifférent le chanteur et rappeur de 24 ans aujourd’hui. Comme en 2012, l’artiste a couché un texte long et profond sur son Tumblr. Texte dans lequel il revient non seulement sur Orlando, mais aussi sur ce qu’il vit depuis des années, y compris avec son père au tout début. Il évoque aussi sa relation avec dieu et se demande si tout le monde perçoit le même message de sa part.
On vous a traduit le texte :
« Je lis dans les journaux que mes frères sont jetés des toits les yeux bandés, les mains attachées derrière le dos pour avoir violé la loi de la Charia. J’ai entendu que la foule leur lançait des pierres si jamais ils bougeaient après avoir touché le sol. J’ai entendu que c’était au nom de Dieu. J’ai entendu mon pasteur parler aussi au nom de Dieu, citant les écritures de son livre. Des mots comme « abomination » ont éclaboussé ma peau comme de la graisse bouillante lorsqu’il a évoqué un lac de feu dans lequel Dieu voudrait me voir m’y baigner. J’ai entendu aux infos qu’un crime haineux a laissé un tas de corps sur une piste de danse ce mois-ci. J’ai entendu que le tireur a fait le mort parmi tous les gens qu’il a tué. J’ai entendu les infos dire qu’il était l’un d’entre nous. J’avais six ans quand j’ai entendu mon père traiter une serveuse transgenre de tapette en me trainant hors d’un diner de quartier m’expliquant qu’il était hors de question de se faire servir par cette personne car elle était sale. Ce fut la dernière fois que je vis mon père et la première fois que j’ai entendu ce mot, je pense, bien que cela ne me choquerait pas si ce n’était pas le cas. Beaucoup nous haïssent et voudraient que nous n’existions pas. Beaucoup sont gênés par notre désir de nous marier comme tout le monde ou utiliser les bonnes toilettes comme tout le monde. Beaucoup ne voient rien de mal à transmettre les mêmes vieilles valeurs qui font plonger des milliers d’enfants dans la dépression suicidaire chaque année. C’est pourquoi nous affirmons notre fierté et nous exprimons l’amour pour qui et pour ce que nous sommes. Car qui d’autre le fera sincèrement ? Je rêve à l’idée que, peut-être, toute cette barbarie et toutes ces transgressions contre nous-mêmes sont une réaction égale et opposée à quelque chose de meilleur qui se déroulerait dans ce monde, une grande vague d’ouverture et d’éveil ici bas. En comparaison, la réalité est bien grise, ni noire ni blanche, mais bien sombre. Nous sommes tous les enfants de Dieu, j’ai entendu. J’ai préservé mes proches pour parler à mon créateur directement et je pense qu’il me ressemble beaucoup. Si je devais me détacher de mon histoire pour être une meilleure personne, alors je ne pourrai pas être moi-même. Je veux savoir ce que les autres entendent, j’ai peur de le savoir mais je veux savoir ce que chacun entend quand il parle à Dieu. Est-ce que les personnes démentes entendent autre chose ? Est-ce que les personnes endoctrinées entendent tout autre chose ? »
Et voici le texte original :
« I read in the paper that my brothers are being thrown from rooftops blindfolded with their hands tied behind their backs for violating sharia law. I heard the crowds stone these fallen men if they move after they hit the ground. I heard it’s in the name of God. I heard my pastor speak for God too, quoting scripture from his book. Words like abomination popped off my skin like hot grease as he went on to describe a lake of fire that God wanted me in. I heard on the news that the aftermath of a hate crime left piles of bodies on a dance floor this month. I heard the gunman feigned dead among all the people he killed. I heard the news say he was one of us. I was six years old when I heard my dad call our transgender waitress a faggot as he dragged me out a neighborhood diner saying we wouldn’t be served because she was dirty. That was the last afternoon I saw my father and the first time I heard that word, I think, although it wouldn’t shock me if it wasn’t. Many hate us and wish we didn’t exist. Many are annoyed by our wanting to be married like everyone else or use the correct restroom like everyone else. Many don’t see anything wrong with passing down the same old values that send thousands of kids into suicidal depression each year. So we say pride and we express love for who and what we are. Because who else will in earnest? I daydream on the idea that maybe all this barbarism and all these transgressions against ourselves is an equal and opposite reaction to something better happening in this world, some great swelling wave of openness and wakefulness out here. Reality by comparison looks grey, as in neither black nor white but also bleak. We are all God’s children, I heard. I left my siblings out of it and spoke with my maker directly and I think he sounds a lot like myself. If I being myself were more awesome at being detached from my own story in a way I being myself never could be. I wanna know what others hear, I’m scared to know but I wanna know what everyone hears when they talk to God. Do the insane hear the voice distorted? Do the indoctrinated hear another voice entirely? »