[INTERVIEW] LE JOUAGE & ERZATZ NOUS PARLENT DE LEUR EP « SIX PACK »

APRÈS NOUS AVOIR PERMIS DE DÉVOILER LE CLIP DE « AU BORD » EN AVANT-PREMIÈRE, LE JOUAGE ET ERZATZ RÉPONDENT À NOS QUESTIONS.

La musique est une affaire de rencontres, on est tous d’accord là-dessus. Si Internet à réduit les distances depuis bien longtemps, le Covid-19 a modifié, précipité et organisé les interactions d’une autre manière.

Le Jouage et Erzatz auront eu la chance de se croiser physiquement entre les deux confinements. Au départ pour bucher sur le titre « Tic Tac » dans le cadre de la série des « Seeds » que Galant Records sème tous les mois pour nous faire découvrir des artistes de son univers musical. Et ensuite, pour partir sur l’EP « Six Pack » qu’ils auront finalisé à distance avant de nous le délivrer en ce début de mois de décembre.

Un projet dont l’équilibre semble parfait tant les contributions respectives du rappeur, ancien membre du Klub des 7, et la productrice et ingénieure son des studios Jarring Effects et Rumble Inn à Lyon, ont été respectées à la lettre.

Le duo nous explique dans cette interview en quoi cette dualité est présente dans l’EP.

L’INTERVIEW

Sauf erreur de notre part, cela ne fait pas si longtemps que vous vous connaissez tous les deux.

Erzatz : Non en effet. On s’est rencontré il y a deux ans quand je me suis occupée du mixage de son album « A La Croisée Des Chemins ».

Avant « Tic Tac » en septembre, vous aviez déjà collaboré sur un premier titre.

Erzatz : Exactement, le morceau s’intitulait « Fustige » et il faisait déjà partie des « Seeds ». Il s’agissait du deuxième de la série. « Tic Tac » en est le douzième. Le temps passe vite !

Est ensuite venue l’idée de l’EP d’une manière assez spontanée.

Erzatz : Oui c’est à partir de « Fustige » qu’on a décidé de sortir l’EP. Lorsque je me suis occupée du mixage de « A La Croisée Des Chemins », Le Jouage m’avait demandé des conseils sur les arrangements. J’avais bien aimé comment on avait bossé ensemble. Et du coup, on est parti sur la réalisation d’un single commun. Ensuite, cela a rebondit rapidement sur l’EP avec en effet beaucoup de fraicheur.

On relève surtout une connexion humaine entre vous. Vous qui croisez beaucoup de gens, surtout toi Erzatz en tant qu’ingénieure du son. C’est quoi ce petit plus qui vous a motivé à collaborer ensemble ?

Erzatz : Pour moi il y a eu une rencontre humaine et musicale indéniable. Il y a cette volonté chez lui de rechercher ce que je pouvais lui apporter musicalement. Ce qui n’est pas tout le temps demandé par les rappeurs ou les musiciens auprès d’une technicienne du son comme moi. C’est cette ouverture qui a déclenché tout le reste.

Le Jouage : Je suis également beatmaker et j’ai toujours fait mes sons tout seul. La perspective de m’en remettre la musique à Erzatz était nouvelle mais très intéressante. On a réussi à être complémentaires tout en intégrant nos différences.

Ce n’est pas forcément nouveau mais c’est pour cela que vous avez souhaité signer l’EP à deux.

Erzatz : Toutes les étapes ont été faite à deux. Comme on n’habite pas dans le même ville (ndlr : Lyon pour Erzatz et Paris pour Le Jouage), on a commencé à composer à distance et on a enregistré dans mon studio à Lyon. On s’est même autorisés à tout chambouler sur les derniers jours. Cela a toujours été une espèce de ping pong jusqu’au dernier moment.

Le Jouage : Comme je le disais, c’est un exercice que je n’avais jamais fait auparavant. Mais avec Erzatz, cela a été naturel.

Quand vous parlez de « chamboulements », il y en a eu tant que ça ?

Le Jouage : Il y a eu un morceau qui a été vraiment chamboulé. Et c’est là où on s’est aperçu que le travaille à deux était vraiment efficace. Le reste n’était qu’arrangements divers.

Erzatz : Il y a eu aussi « Tic Tac » dont on a un peu changé la couleur. Mais oui, on s’est tout autorisé au final.

La dualité est le thème principal de l’EP. Elle se témoigne à travers le titre « Six Pack », le nombre symétriques des tracks, les thématiques. Expliquez-nous tout cela.

Le Jouage : Les thèmes ont été pensés et travaillés en duo. Il y a 3 thèmes sur lesquels on a apporté chacun notre patte. Par exemple, on a chacun notre morceau sur l’égo-trip.

Erzatz : Les thèmes vont par paquet de deux et les morceaux se répondent. On a voulu laissé de l’espace pour permettre à chacun de s’exprimer et montrer nos propres individualités. L’égo-trip a toujours fait partie de l’histoire du rap malgré tout.

Il y a pourtant un « déséquilibre » avec le titre « Se Réenchanter » qui est totalement instrumental.

Erzatz : J’ai toujours travaillé avec des gens contrairement à Le Jouage. Il ne faut pas oublier que Erzatz est avant-tout un collectif. Je n’avais jamais fait de morceaux toute seule de A à Z. J’ai eu la chance qu’il m’ait laissé le faire bien qu’il aurait pu ajouter des choses. C’était une opportunité qui m’a vraiment fait du bien dans mon parcours artistique.

Le Jouage : Je trouvais ça cohérent que tu ais ton propre morceau comme moi j’avais le mien finalement.

On l’a compris, une collaboration qui vous a appris des choses. De quoi continuer sur ces pistes dans l’avenir ? C’est à dire plus de collaborations pour Le Jouage et plus de prods personnelles pour Erzatz ?

Le Jouage : Ça ne sera possible que si je m’entends bien avec l’autre. Avec Erzatz, j’ai du sortir de ma zone de confort car en temps normal, je n’aurais jamais retenu plusieurs rythmiques que j’avais apporté si elle ne m’avait pas motivé. Et clairement si c’était à refaire, ce serait avec plaisir.

Erzatz : C’est peut-être à cause de lui mais ça m’a donné envie d’explorer cette façon de travailler toute seule. J’ai tellement l’habitude de travailler avec les autres. C’est vrai que le collectif m’anime mais pourquoi pas refaire des choses en solo.

C’est vrai qu’en tant que technicienne du son, on a l’image d’une artiste de l’ombre.

Erzatz : Je n’ai pas trop envie de prendre la lumière mais j’ai bien envie d’aller au bout d’un projet en solo.

L’EP n’aura donc pas vocation à être défendu sur scène.

Erzatz : Le Jouage pourra la prendre la lumière. II pourra facilement l’intégrer dans un de ses concerts. Il sera meilleur que moi pour le défendre sur scène. C’est aussi ça la dualité. On a chacun nos qualités et une des siennes c’est bien la scène. Il y prendra beaucoup plus de plaisir que moi.

Le Jouage : A un moment donné viendra l’envie de défendre ton dernier projet sur scène. Si l’occasion se présente, je n’hésiterai pas.

Et discographiquement, il pourrait y avoir une suite ?

Le Jouage : On reste sur de la spontanéité. Si un jour, l’envie se présente à nouveau de repartir sur un single, un EP ou un album, et que les feux sont au vert, bien-sur il verra le jour le nouveau projet. Mais on ne s’est pas posé la question à vrai dire.

Parlons de ce clip de « Au Bord » dont nous avons eu l’opportunité de diffuser en avant-première. Le Jouage, il a été réalisé par un de tes vieux complice : James Delleck. Il n’est jamais loin lui.

Le Jouage : (rires) C’est pas faux. James est un peu mon mentor. Quand j’ai commencé, il m’a montré plein de trucs. C’est lui qui m’a permis de rentrer en studio pour la première fois. J’avais pu commencer en travaillant sur certains de ses morceaux. C’est grâce à lui que j’en suis là aujourd’hui. J’ai eu la chance que cette collaboration s’est transformée en amitié. C’est pour cela qu’il n’est jamais loin.

Erzatz : Je trouve qu’il a tout déchiré au niveau du clip. Je le connaissais forcément en tant que rappeur. J’avais vu ce qu’il avait fait pendant un an à sortir un clip par mois. Je trouve que notre clip est le plus réussi. Il donne vraiment plus de dimension au morceau. C’est l’avantage de faire faire les visuels par un musicien qui comprend encore mieux l’univers musical. C’est le même cas que pour la pochette de l’EP qui a été réalisé par Gail Malbete qui est à la fois musicien, graphiste et vidéaste. Le titre ne s’écoute pas pareil avec et sans visuel.

Pour terminer l’interview, on ne peut pas se quitter sans parler du Covid-19 qui a mis à mal le monde de la musique cette année. Quel est votre état d’esprit ?

Erzatz : J’ai la chance d’être ingénieure en studio et je peux travailler. Et comme on a 3 labels, on continue à sortir plein de choses. Mais si les artistes ne remontent pas sur scène rapidement, ça va être problématique. Chez Jarring Effects, on essaye d’inventer des formats adaptés à la crise sanitaire. On avance quitte à se faire annuler au dernier moment. On pense déjà à la suite et à comment on va faire à chaque déconfinement. Il est hors de question qu’on baisse les bras. Il en va de notre responsabilité d’être moteur pour nos artistes.

Le Jouage : Pour moi c’est le coté scène qui est complètement sinistré. Il n’y a pas le choix. Il faut rester optimiste. J’ai la chance d’avoir un travail à coté donc pour le moment ça va. J’espère qu’on trouvera des solutions pour remonter sur scène le plus rapidement possible.

Erzatz : On a trouvé de la force pour le premier et le deuxième confinement. Mais il va falloir trouver de la force pour le rebond. Et ce ne pourra se faire que si on s’y met tous.

En attendant, on peut au moins se délecter de votre EP. Merci pour cette interview.

Erzatz : Merci.

Le Jouage : Merci à toi.

L’EP « Six Pack » est disponible sur l’ensemble des plateformes.

TRACKLISTING :

01. Au Bord
02. C’est Maintenant
03. Non non
04. Se Réenchanter
05. Tic-Tac
06. Tout Brûle

Label : Galant Records
Date de sortie : 4 décembre 2020
Durée : 15 minutes