A QUELQUES JOURS DES CONCERTS EN MODE RELEASE PARTY POUR LE GROUPE INNVIVO, RENCONTRE AVEC SA VOIX HUGO.
Sur son nouvel EP « Pays Sage », Innvivo aborde des références et des influences dans lesquelles les trentenaires se reconnaitront. Les jeux vidéos et la naissance d’Internet dans les années 90 sont au centre du nouveau projet qui bénéficie du croisement entre instruments, production numérique et le hip hop amené par les textes de Hugo Raducanu. C’est ce dernier qu’on a eu le plaisir d’interroger.
L’INTERVIEW
Ce nouvel EP « Pays Sage » a fait l’objet d’une campagne de crowdfunding.
On l’avait fait pour « L’Or du Monde » sur la même plateforme. On s’en était passé pour l’EP suivant « Long d’une Seconde » où on avait voulu tout faire nous même et pour ne pas trop solliciter les gens trop de fois.
Mais du coup, cela vous a permis de vous apercevoir que vous aviez une fan base.
Oui c’est vrai. Elle est petite mais on a des gens qui nous soutiennent beaucoup. On a été surpris et à la fois très content de voir qu’en refaisant une campagne, on avait été encore suivi. C’est vrai qu’il n’y a pas que l’argent, ça permet aussi de créer un lien et de faire suivre notre actualité d’une autre manière.
« Pays Sage » est influencé par les sons 8bit des jeux vidéos de votre enfance ainsi que par les codes des années 90. Quelque chose qui tranche vraiment avec le précédent disque.
C’est un concours de circonstance en fait. Il y avait de base cette envie de faire quelque chose d’un peu rétro et d’exploiter un peu plus le numérique. Mais les conditions de cette année pour le groupe ont fait que c’était plus avantageux pour le groupe de produire sur ordinateur. C’était un ensemble de critères qui nous ont motivé à faire comme cela.
Apparemment tu aurais réalisé les maquettes sur Abbleton et que l’effet « cheap » qu’il en est ressorti vous a plu.
C’est Louis notre bassiste qui avait trouvé que ça sonnait comme un vieux jeu de Nintendo. Le truc qui a été fait un peu à l’arrache est devenu un trip. On a voulu jouer avec ça et continuer le délire jusqu’au bout.
Vous êtes trentenaires aujourd’hui et il semblerait que vous vouliez mettre en avant votre génération, coincée entre l’avant Internet et l’ultra connexion des jeunes d’aujourd’hui. Comme si vous veniez d’une génération perdue.
C’est ce que je pense personnellement mais je ne me permettrais pas de l’affirmer pour le reste du groupe ou pour l’ensemble des trentenaires. Aujourd’hui il existe plein d’outils à notre disposition. Moi qui donne des cours de musique à des ados, je me rend compte que c’est plus intuitif pour eux que pour nous.
Vous vous sentez largués par rapport à ça ?
Non pas vraiment mais ce n’est pas forcément inné pour nous. On est la génération à cheval. Autant on a été un peu geek avec les outils de notre époque, autant cela ne nous a pas empêché de passer des moments dans la vie réelle comme passer des soirées où personne n’avait de téléphone portable sur lui.
Ce coté réel a quelque chose de salvateur.
Oui totalement. Personnellement, je n’ai pas l’impression de me tromper sur comment je me place là-dedans, sur comment je me protège des réseaux sociaux, sur comment je vis ma vie concrètement. J’essaye de ne pas me faire absorber. Mais ce qu’on remarque c’est que même des gens qui ont connu l’ancien temps, ont leurs smartphones dans la poche et s’en servent beaucoup alors qu’ils auraient pu faire sans il y a 10 ans. Il faut juste vivre avec son époque.
La preuve, l’EP sort exclusivement en digital.
Oui on a voulu jouer le jeu car la musique s’écoute aujourd’hui principalement en numérique. On s’est dit qu’on allait s’amuser à rester dans ce support là pour coller au sujet de l’EP.
Finalement, c’est aussi l’évolution musicale du groupe qui avait commencé un peu plus dans les ambiances funk et rock.
Quand on a sorti le premier disque, on avait entre 25 et 26 ans. On jouait en effet beaucoup de funk, de jazz et de rock car on sortait de nos études de jazz et musiques actuelles. Je pense qu’en sortant de là on s’est mis à écouter des choses plus modernes et on avait l’impression de devoir moins jouer les registres qu’on avait étudié. De plus, on a commencé à découvrir les logiciels un peu tard par rapport aux instruments.
À vos âges, vous continuez à apprendre ?
On est vraiment du genre à se remettre en question tous les ans. On essaye d’avancer un maximum. L’exemple type est Mathias, notre guitariste qui a produit, mixé et masterisé l’EP. Il a suivi des formations il y a deux ans pour être autonome et acquérir un libre arbitre artistique. C’est pour cela qu’on n’a pas le même son aujourd’hui qu’auparavant et sûrement qu’on aura pas le même son que la prochaine fois.
Parles-nous de cet apport hip hop qui est désormais généralisé.
On ne reste pas fermés. On peut vraiment être créatifs avec le hip hop. On peut aller du son trap à un traité à la « Tiny Desk ». Tout ça c’est du hip hop et ça nous parle.
On a l’impression que la musique, qui était 100% instrumentale à vos débuts, vient désormais au service des textes rap.
Il y a du vrai dans ce que tu dis. Comme je le disais, on se remet souvent en question et peut-être qu’au fil du temps, on a cherché à donné plus de places aux textes. Je pense que cela s’est fait dans les deux sens pour trouver aujourd’hui un équilibre. On n’a fait que tailler dans ce qu’on avait.
Vous arrivez toujours de garder cet équilibre à parts égales dans la composition ?
C’est vrai que sur cet EP, j’ai pris un peu plus de responsabilités d’auteur mais on a gardé cet équilibre. J’ai peut-être plus mis de poids mais cela peut très bien changer la prochaine fois où cela pourrait être produit par quelqu’un d’autre. On a toujours eu un fonctionnement démocratique. Mais c’est vrai qu’au bout de quelques années, on comprend qu’il faut faire quelques concessions et accepter certaines choses car on en a marre de discuter sur une idée pendant 6 heures. Mais on reste fidèles à cette idée dans laquelle chacun à son mot à dire. Il faut que cela se construise ensemble sinon cela n’a pas d’intérêt. Le travail sur le numérique a changé un peu la donne. Là où un beatmaker peut composer un album entier, nous on a choisi de continuer à travailler tous ensemble. Cela a pris plus de temps et plus d’énergie mais c’est le principe d’un groupe.
Concernant les textes à orientation sociale, ils trouvent un écho particulier avec le mouvement des Gilets Jaunes.
On a composé l’EP 8 mois avant le début du mouvement. C’est dans un webzine que j’avais fait la remarque que cela raisonnait étrangement avec nos textes. On n’a pas cherché à faire un truc pour être passé pendant les manifs. Ce sont juste des problèmes sociaux qui existent depuis un moment et qui sont communs à ceux abordés dans certains morceaux de « Pays Sage ». C’est vraiment un projet contemplatif. On pose notre regard sur ce qui nous entoure et de le décrire avec notre sensibilité. On n’oblige personne à penser pareil.
Parlons de la forme maintenant avec ce lien étroit entre la musique et cet aspect graphique insufflé par le dessinateur Thomas Carretero.
Ça faisait longtemps que je voulais rajouter du dessin dans ce projet. Je suis un gros lecteur de BD. Avant de lancer la production on avait cherché à droite à gauche des dessinateurs. Il se trouve que Thomas était le premier élève de guitare de Clément (ndlr : le clavier du groupe). On a fini par lui envoyer un mail pour lui proposer de participer. On a fait un premier test avec un concert dessiné et ça s’était super bien passé. Il s’était beaucoup investi et nous avait proposé ses services au cas où on aurait besoin de visuels pour garder une cohérence. Ça s’est fait naturellement. Aujourd’hui il fait carrément partie du groupe. Sur scène, il dessine en live et comme les musiciens, il peut faire des pains de dessin. Il a sa propre carrière et il a un super Tumblr que je vous invite à visiter.
On imagine sans mal que vous aimeriez produire de la musique pour des films, des films d’animation ou même des jeux vidéo.
Ce serait effectivement génial. On n’a pas encore eu de propositions sérieuses autour de ça mais quand ça arrivera, on sera preneurs.
A date, on pourra vous retrouver sur scène le 5 mars aux Disquaires à Paris et le 9 mars pour une release party chez vous à Bordeaux.
On sera bien-sûr en mode concert dessiné. On sera en formation réduite pour permettre à Thomas de s’exprimer pleinement au dessin. Du coup, cela a été beaucoup de boulot pour préparer le concert à deux alors que la musique est prévue pour être jouée à 5. Mais on tâchera de proposer un beau spectacle à ceux qui viendront nous voir.
Pour finir l’interview, on peut s’attendre à d’autres sons pour cette année de la part de Innvivo ?
Je pense qu’on va passer la majeure partie de l’année à défendre l’EP mais on a déjà commencé à bosser sur de nouveaux morceaux. Je pense qu’il y aura une autre sortie cette année mais doit encore réfléchir au format, voir ce qu’on pourrait faire de différent d’un album par exemple.
Une année que l’on vous souhaite bien remplie. Merci Hugo.
Merci et à bientôt.
L’EP « Pays Sage » se trouve sur les plateformes habituelles.
TRACKLISTING :
01. L’Escrime de l’Estime
02. Pays Sage
03. Grêle
04. Y-Monde
05. Saccharose TE
Mars 2019