EVERGREEN : UN NOUVEAU DÉPART

Ils sont trois, jouent en groupe depuis 2008 dans des bars et salles de concert. Depuis, le trio Evergreen a fait beaucoup de chemin, entre Londres et la France. Un équilibre que l’on retrouve notamment sur leur nouvel EP « Aux Échos » disponible depuis le début du mois de décembre. En réduisant leur nom (précédemment We Were Evergreen), ils partent à la conquête des oreilles franco-anglaises.

 

 

L’INTERVIEW

 

Dans quelles conditions est-ce que vous avez grandi ?

(Rires)

William Serfass : La petite histoire c’est que ça forme un triangle, Mike vient du Sud-Ouest, moi du Sud-Ouest et Fabienne de Paris.

Michael Liot : Oui donc on est un peu les opposés géographiquement de la France mais des choses se recoupent : nous venons de la mer, enfin lui de l’océan et moi de la mer, ce qui a parfois une influence sur les textes je pense aussi. Fabienne toi t’es du côté urbain (rires).

Fabienne Débarre : J’ai commencé le piano tôt, à quatre ans, et ensuite j’étais dans un conservatoire d’arrondissement à Paris. J’ai continué pendant assez longtemps, jusqu’au début de la vingtaine, à étudier un peu plus la musique en parallèle de mes études. C’est là que j’ai rencontré William.

William Serfass : J’ai grandi dans le Sud-Ouest avec un papa, une maman et un chien. j’ai fait de la musique aussi très tôt parce que mes parents étaient chefs de chœur donc il y avait souvent des gens qui chantaient à la maison. Avec Fabienne on s’est rencontrés assez tôt dans le 14e on avait le même maestro de percussions qui nous a tout enseigné.

Michael Liot : Moi je viens des Alpes-Maritimes et j’ai fait de la musique assez tard, j’en ai beaucoup écouté par ailleurs par mes parents, surtout mon père qui écoutait beaucoup de pop anglo-saxonne et ma mère de variété française donc c’est un peu le mélange des deux. J’ai commencé la guitare à 14 ans, j’ai pris des cours dans une petite école pas très loin de chez moi et j’ai continué tout seul. Donc un apprentissage assez tardif. On a une approche assez différente, je ne lis pas le solfège par exemple donc je l’approche plus à l’oreille, à l’écoute. Toi Fabienne tu as une formation beaucoup plus structurée. William fait un peu des deux.

Quelles ont été les grandes étapes du groupe ?

ML : On s’est créé en 2008, on a d’abord commencé par plein de petits concerts, on a sorti 2 EPs auto-produits. En 2011 on est partis à Londres parce qu’on a vu que des gens commençaient à s’intéresser à nous là-bas. On a fait pas mal de petits concerts et on y est resté pendant 6 ans et demie. Pendant ce temps-là on a sorti un premier album qui s’appelait « Towards » en 2014. on a fait sa tournée en Angleterre et dans le reste du monde, et maintenant il y a le nouvel album qui va sortir.

 

 

Qu’est-ce qui fait que vous vous êtes installés plus longtemps à Londres ?

FD : Je pense qu’on a eu l’occasion, comme on chantait beaucoup en anglais, c’est un territoire qui attire. Rencontrer des groupes de là-bas c’était super excitant, ils ont une culture de festivals qui est extrêmement intéressante. Ça a été au niveau des concerts quelque chose de très épanouissant qui nous a fait beaucoup progresser, même au niveau des rencontres qu’on a faites en studio. Des très belles rencontres qui ont été facilitées par le fait qu’on vivait là et qu’on a pu construire ces relations-là plus durablement. Ensuite pour des raisons personnelles je trouve assez libérateur d’être dans une ville avec moins d’attaches familiales où on peut se réinventer un peu.

Ce doit être difficile de se réinventer dans une ville.

ML : Un peu parce que comme tu dis on avait dû redémarrer, aller jusqu’à un certain point à Paris en faisant les petites salles. On commençait à se faire un petit nom. c’est le seul moyen de se faire connaître à Londres quand tu viens d’ailleurs, c’est de commencer à zéro. Là-bas ils ont tellement d’autres groupes et tellement d’autres projets que tout est saturé donc ils n’ont ni la possibilité ni l’envie de s’intéresser à ce qui sort dans le reste de l’Europe. C’était un pari dans l’idée de commencer au local et de se faire un following par le live au début.

Qu’est-ce que vous voulez signifier avec le nom du groupe ?

ML : Au début c’était un mot qu’on aimait bien parce que ça a plusieurs sens et de manière générale on aime bien ce qui est polysémique et plus difficile à identifier. Evergreen ça veut dire à la fois toujours vert au sens propre, c’est aussi le nom du conifère en anglais, donc un arbre qui ne perd pas ses feuilles en hiver avec un côté poétique. Et aussi toujours jeune, ce qui me semblait pertinent par rapport à ce qu’on voulait faire.

FD : Et puis aussi graphiquement on est toujours intéressés avec tous ces « e ».

ML : C’était We Were Evergreen à un moment parce qu’on aimait bien aussi l’antiphrase. Nous étions jeunes.

FD : Le changement de nom ça correspond aussi au fait que le deuxième album est assez différent du premier il y a des titres en français. On avait aussi envie d’un nouvel élan avec ce nom pour aller à l’essentiel.

Là vous signez votre premier titre en français, pourquoi est-ce que vous avez choisi de revenir à votre langue natale ?

ML : En fait je ne sais pas si c’était une vraie décision, on écrivait aussi en français par ailleurs et peut-être qu’on se disait auparavant que ce n’était pas quelque chose qui allait correspondre à notre projet. On avait pensé au début en anglais et de la même manière ça s’est fait naturellement de revenir vers le français, l’idée étant aussi de mélanger les deux : l’album est à moitié anglais et à moitié français et ça fait aussi partie d’une part d’une envie de traiter notre rapport à la langue (liée à notre parcours individuel et au groupe du fait qu’on est connu dans deux territoires : l’Angleterre et la France) et aussi le fait que culturellement notre bagage musical vient du français et de l’anglais. C’est une manière d’épouser un peu plus cet héritage francophone qu’on n’avait pas développé. Ça s’est fait naturellement, on s’est rendu compte que finalement ça correspondait aussi et qu’on pouvait faire notre groupe dans la langue française.

FD : Le genre de la musique évolue, ce qui peut parfois être un peu le cas quand on change de langue.

C’est intéressant que vous employiez le terme de francophone à la place de français.

ML : Oui parce que c’était une histoire de langue, on est attaché à la langue. Le premier album qui s’appelle « Tongues », langues dans les deux sens, parle justement de ça. l’idée de ce titre c’est de mêler les deux langues et de traiter un passage lié à des territoires avec un héritage culturel qui va au-delà d’un simple physique.

 

 

De quels artistes est-ce que vous puisez votre inspiration ?

ML : Beaucoup trop, c’est délicat.

FD : Très éclectique.

WS : Déjà on écoute énormément de choses qui sortent aujourd’hui. On a tendance à être très attentifs à ce qu’il se passe, que ce soit au niveau des amis artistes, des petits groupes qui débutent ou des groupes qui reviennent. Je crois que comme tout le monde on a écouté énormément de classique, de jazz, moi j’écoutais beaucoup de rock, beaucoup de techno. En ce moment on écoute pas mal de hip hop.

ML : Ça va avec la tendance aussi et puis dans la mesure où la musique qu’on fait one ne la produit pas en se disant qu’on veut sonner comme tel ou tel artiste, simplement tu te rends compte que les choses que tu fais, que tu crées, tu peux identifier que ça se nourrit d’un mélange.

FD : C’est plutôt à l’auditeur finalement de déceler ça. Effectivement, le classique je me rends compte à quel point ça forme pour les mélodies.

ML : Pareil pour la pop, j’ai grandi à moitié malgré moi avec le climat pop qui était autour de moi petit, ce qui me donne probablement une sensibilité fondamentalement pop qui se situe entre la musique anglaise et la chanson française mais qui est colorée par d’autres choses. Ça se métisse au fur et à mesure.

Sur votre chanson « Aux Echos », quelle est votre vision de la danse contemporaine et des formes qu’elle devrait prendre aujourd’hui ?

FD : Le clip c’est Michaël qui l’a réalisé avec une chorégraphie de Daniel A. Gordon, un chorégraphe anglais qu’on a rencontré à Londres. Un excellent danseur et chorégraphe qui s’intéresse aux formes de cabaret. Là vous avez plutôt travaillé à intégrer les formes traditionnelles

ML : A la base c’est l’un des titres les plus abstraits donc il s’agissait de recréer une sorte d’atmosphère un peu onirique et poétique. Ce qu’on essaye de faire un peu de manière générale. Ça m’intéressait les danses traditionnelles liées au sacré et au culte dans la culture perse. C’est là-dessus qu’on a travaillé un petit peu. La référence principale c’était ça mais l’idée sur la chorégraphie c’était de représenter une sorte de rituel de passage, un rite d’initiation dans l’individu au collectif. C’était aussi certains thèmes de l’album qu’on a utilisés sur l’album précédent.

FD : Je ne sais pas qui on est pour dire où la danse contemporaine doit aller. Ce qui est sûr c’est que ce qui nous touche c’est les histoires en général.

ML : On aime bien que le sens ne soit pas forcément facile à décoder mais qu’il y en ait un pour nous en tout cas.

 

 

D’autant que les musiques actuelles commencent à être un enjeu avec les ballets, je pense à « Tree of Codes » avec Jamie XX.

FD : Oui on l’a vu.

ML : carrément, la danse contemporaine s’inspire de la pop, de l’électro, il y a un mélange. Ce qu’a fait Jamie XX c’est très inspirant. C’est ce qui nous excite. Mais ça fait un moment qu’on s’intéresse à la danse puisqu’on l’avait fait sur un de nos précédents clips, Doctors de notre premier album basé autour de la répétition.En général ça nous intéresse pas mal la danse contemporaine qui déstructure le mouvement.

 

 

Quant à la structuration de la musique, comme vous êtes trois, comment procédez-vous ?

WS : Un couplet chacun. (Rires)

ML : Comme Rihanna, on a plein de gens qui travaillent sur les éléments comme une ligne de basse.

WS : Tous les dimanches du mois on va l’écouter et

FD : On vérifie. Non sur cet album on a un peu plus co-écrit Michaël et moi mais la plupart des chansons ou des thèmes viennent de Michaël. En tout cas pour les démos ça a été beaucoup Michaël et moi. En studio, William a beaucoup joué et en a apporté plein d’autres. L’écriture se fait en plusieurs temps mais quand même à trois et ensuite on a chacun des postes un peu étanches, William jouant de tout. En studio on essaye de trouver une autre rythmique à la batterie, William il joue du clavier.

ML : Il n’y a pas de règles.

Il y a du xylophone ?

FD : Moins sur cet album. C’est remplacé par du hang, du balafon qui a les mêmes priorités, on voulait changer un peu.

Aujourd’hui à la Cité de la Musique il y a des classes pour faire tester les instruments tous ensemble à des enfants, c’est marrant parce que vous êtes un peu précurseurs ?

WS : Je pense que depuis les années 1960 c’est le cas.

ML : la pop ça fait au moins depuis les années 1980 qu’on s’est intéressés à ces instruments d’Afrique et d’Amérique Latine.

FD : C’est un peu comme François & The Atlas Mountains, on est plus sur des percussions et sur des claviers. Ils sont aussi très influencés.

ML : Clément Bazin en France est maître de style drum, mura masa, c’est dans la pop depuis un certain temps, ça revient pas mal cette exploration.

Vous fréquentez Témé Tan et Metronomy ?

ML : On a fait la première partie de Metronomy. On les a un petit peu fréquentés. Témé Tan on connaît sa musique et on l’apprécie.

Comme vous mentionnez des instruments assez rares aujourd’hui, quels sont les enjeux de la musique organique dans votre travail et quelle place prend-elle ?

ML : Je crois que comme beaucoup de gens, on aime bien de manière générale partir de sons qui sont des vrais sons et les mélanger à de l’électronique qui ne veut pas dire forcément organique. Ca dépend comment tu vois le terme organique. Je pense qu’on aime bien la chaleur de l’analogique mélangé à d’autres sons.

FD : je pense qu’on revient à cela pour garantir du vivant. Il y a quelque chose et encore avec un synthétiseur tu peux le faire vivre sans être dans la différence d’intensité des touches mais les différents filtres et enveloppes que tu pourras amener des dynamiques qui vont être un peu proches. C’est je pense dans des chansons, être attentif à la voix humaine, ce qu’on a vraiment essayé de faire dans cet album-là, de pas noyer trop ces éléments-là sous des couches d’électronique et d’essayer de bien doser. Dans notre musique c’est la recherche d’un peu d’équilibre. Après il y a des gens qui font de l’électronique et c’est hyper vivant et chaleureux.

ML : Je ne suis pas sûr qu’il y ait un enjeu et qu’il faille dire tout est organique ou bien qu’il faille garder. Il y a des choses très synthétiques qui sont très bien.

 

L’EP « Aux Échos » est disponible sur l’ensemble des plateformes de téléchargement légal.

 

TRACKLISTING :

01. Tongues
02. Aux Échos
03. Face To Face
04. Aux Échos (Ateph Elidja remix)
05. Aux Échos (WS remix)
06. Tongues (Les Gordon remix)

Because Music – Décembre 2017