Le rendez-vous pour l’interview avec Dandyguel a été fixé au Mama Shelter dans le 20ème arrondissement de Paris. A première vue, on est bien loin du décor de Viry Châtillon dont est originaire le rappeur et qui fût le théâtre de ses nombreux faits d’arme depuis ses débuts, de l’impro à la scène en passant par des mixtapes et EPs ainsi que par ses nombreuses vidéos de freestyle.
Avec son tout premier album « Trophée », Dandyguel a décidé de passer à la vitesse supérieure tout en gardant les bases que sont la simplicité et la spontanéité. Il nous explique tout cela dans cette interview.
L’INTERVIEW
Tu est actif depuis près de 10 ans dans le rap. En dehors des réalités économiques, tu as mis du temps à sortir ce premier album.
On ne pourra pas faire en dehors des réalités économiques pour répondre à cette question. Ensuite, c’est tout simplement parce que je ne me sentais pas prêt et je n’avais pas autant de choses à dire. Il me manquait cette cohérence pour amener quelque chose de construit, de concret et qui me ressemblait vraiment. À travers les mixtapes et les EPs que j’ai pu faire, j’envoyais du flow et des trucs que j’aimais mais je n’avais pas vraiment eu ce déclic pour me dire que c’était le moment.
Tu étais plus dans la performance jusque là ?
Exactement même s’il y avait déjà du fond dans ce que je faisais. C’était une démarche complètement naturelle. Je balançais les trucs comme cela venait sans jamais calculer. Le calcul était seulement dans le plaisir que cela me procurait. T’envoie ton flow le plus possible pour montrer à tout le monde que tu es opé. J’adore ça. C’est pour cela que je fais beaucoup de compétitions.
Finalement, tu as toujours été un rappeur « de terrain ».
J’ai commencé à faire des impros avec mes potes sans jamais chercher à enregistrer quoi que ce soit. Ça se passait dans le quartier tranquillement en échangeant avec les gens.
Oui mais à un moment, quel fût le déclic pour aller plus loin ?
Même si je n’avais aucun objectif, à un moment donné j’ai eu envie d’aller plus loin, de sortir de l’impro du quartier pour évoluer et développer mon art.
« Mon premier public était mes potes dans la rue. C’est la meilleure des écoles »
Tu parles des compétitions et des vidéos de freestyle ?
La plupart des gens m’ont découvert avec les freestyles car c’est là où ils m’ont considéré comme le meilleur. J’ai fait comme tout le monde, j’ai commencé à écrire et à improviser dans la rue. Mais là où j’ai commencé à sortir ma tête, c’était sur scène et dans les compétitions. À la base, c’est l’interaction avec le public qui me plait le plus dans le rap. Et mon premier public était mes potes dans la rue. C’est la meilleure des école car tu as les réactions immédiatement. Et puis ensuite, tu cherches à mieux écrire et à mieux rapper pour plaire à plus de gens.
Le déclic de l’album est survenu quand ?
Très tardivement. J’avais commencé par compiler des compositions mais je ne pensais pas à un album au départ. Encore une fois je me faisais kiffer track par track. C’était avant l’été 2016, je n’avais rien d’autre à foutre et je me suis mis à beaucoup écrire. Sans penser à un album, je m’étais donné l’objectif de sortir quelque chose tous les deux ans. Les sons se sont accumulés et j’ai eu des retours positifs de la part de mes proches. Je me suis aussi fait confiance, j’ai mis des sous de coté et c’était parti pour 2017. Je ne pouvais pas reculer face à mon propre destin.
Du coup, tu t’es senti obligé de construire une histoire, une narration autour de l’album ?
J’ai juste fait en sorte que tous les morceaux rejoignent le propos de se faire kiffer en étant le plus spontané et le plus sincère possible. Mais par dessus tout, je voulais juste faire de la musique. Je ne voulais plus de faire de la performance pure et dure.
C’est vrai que tu fais tes beats toi-même.
Je me suis rendu compte que j’étais pas dans un état d’esprit où je voulais niquer les autres ou encore surprendre les gens. Mon pote Vicelow m’a demandé si je prenais des risques, je lui ai répondu que je n’en avais rien à taper des risques et que j’étais là pour faire de la musique. Et c’est quand j’ai réussi à répondre à cette question que j’ai su que l’album était là.
L’album est plutôt « bon esprit ». Dans le rap, c’est toujours difficile de trouver l’équilibre entre message et divertissement.
C’est ce que je fais. Je fais en sorte de parler de choses qui me tiennent à cœur à ma manière. Quand tu y réfléchis bien, et plus que jamais, le rap divertissement prédomine. Limite je suis plus vénère que la plupart. Je suis issu d’une culture où on finit toujours par y arriver malgré les difficultés. Je me prends pas la tête et je dis des choses avec détachement que certains rappeurs engagés ne diraient même pas.
Il y a beaucoup de second degré dans ce que tu fais.
En fait, il n’y a même pas de second degré. Ce que fais ressemble à ce que je vois. En bas des HLM, il y a des gens qui rigolent aussi. Il y a toutes sortes de personnes qui se chambrent, qui plaisantent et qui rient. Moi je mets mon sérieux dans le rap que je produits. S’il est propre et qu’il est bon, c’est tout ce qui compte. Je me fous de tout le reste.
Et puis tu reviens sur des (mauvaises) expériences comme celle avec l’émission Punchline.
Oui. Le morceau « M. Tarmozy » revient sur mon départ de l’émission dans laquelle je faisais un rap sur l’invité. On ne s’était pas mis d’accord sur celui sur Monsieur Sarkozy. Le titre explique tout et répond à la question que tout le monde me posait à la suite de cette expérience.
Dans l’album, il y a plusieurs styles musicaux. Du boom bap, de la bossa nova et aussi du cloud rap. Tu montres que tu es à l’aise partout.
Pour le cloud rap, j’ai été vachement influencé par un mec comme Wiz Khalifa. Il ne fait que fumer de la weed et il plane en permanence. Moi qui ne fume pas, il me donne presque l’envie de le faire quand je l’écoute. C’est une vibe qui est planante et qui me plait bien.
Le morceau « Partout Chez Moi » est assez significatif à ce propos.
Oui c’est un état d’esprit. On est des citoyens du monde. On chie tous pareil. Quelque part on a tous les mêmes émotions. Ça se retranscrit culturellement de manière différente mais au final quand t’as mal, t’as mal, quand t’es bien, t’es bien, quelque soient les origines.
Et au niveau prods, on imagine que tu y vas aussi au feeling.
Oui j’ai une démarche très naturelle. Je crée les beats d’abord et ensuite j’écris autour. Ça m’arrive d’écrire un freestyle et de me rendre compte que ça match avec un instrus. Je réécris un peu pour coller à l’ambiance et c’est parti. Cela n’empêche pas que je peux faire appel à d’autres pour la prod. C’est le cas pour « Air Dandy » où je suis tombé amoureux de la production de Goomar.
Maintenant que l’album est sorti, il va falloir monter sur scène.
Grave. On est en train de répéter avec DJ K-Raï et Koffi qui m’accompagnent depuis cinq ans maintenant. On a déjà des faits d’arme ensemble comme le Printemps de Bourges. On est prêts et on est chaud, notamment pour la release party du 13 avril à La Place à Paris. Et la particularité de ce concert, c’est que les gens qui auront acheté l’album en série limitée numérotée, pourront rentrer gratuitement. Et après, on a déjà plusieurs concerts de programmés à Montpellier, Marseille, Nantes et même en Estonie.
Des envies de tournée en Afrique aussi ?
J’aimerais bien. Justement on est en train de voir avec l’Alliance Française. Ça va être difficile mais on va tenter le truc.
« Je suis dans le rap game parce qu’il y a le mot « rap » dedans. »
On a compris que tu faisais ça pour le kiff mais as-tu tout de même une attente par rapport à ce disque ?
Au delà de me faire kiffer, mon attente est de plaire au plus grand nombre. Et cela passera par la vente des 500 cds et des 300 vinyles. Ça passera aussi par les gens qui viendront à mes concerts. Tu sais, je fais les choses simplement et avec sincérité mais il faut quand même ce battre, cela a aussi un coût malgré tout. Il faut s’impliquer toujours. Comme je le dis toujours, je suis dans le « rap game » parce qu’il y a le mot « rap » dedans. Le game c’est cool mais c’est le rap qui me fait kiffer. Je m’implique dans l’industrie musical mais ça me chier des fois. Faut faire des trucs que tu n’as pas envie de faire mais c’est ça la vie aussi.
En tout cas, nous on aura l’envie de venir te voir sur scène et d’écouter ton album. Merci Dandyguel.
Merci à toi.
L’album « Trophée » est disponible sur l’ensemble des plateformes digitales et sur la Fnac.
TRACKLISTING :
01. Air Dandy (feat. Ma Mère)
02. Tu Vas Kiffer
03. Oreo Inversé (feat. Cheeko & Ceo)
04. Blackpheno 4.0
05. My House
06. Par Où Commencer (feat. KT Gorique, Mary May & Bambii)
07. Rien d’éternel
08. M. Tarmozy (feat. Koffi)
09. Trophée
10. Partout Chez Moi
11. Donner La Force (feat. Bekeño & Swift Guad)
LR Production – Mars 2017
Dandyguel sera en release party le 13 avril à La Place (Paris) et retrouvez toutes ses prochains concerts sur sa page Facebook.