On va pas se mentir, on a parfois du mal avec la trap et les autres courants récents du rap, tout bons quarantenaires réac que nous sommes dans l’équipe. A l’écoute de certains morceaux, on peut être complètement emballés et l’instant d’après avoir envie de tout casser dans le bureau.
Ça tombe bien. De bipolarité, il va en être question avec le cas de Take A Mic qui vient de sortir son EP « Bipolaire » chez Because. Voilà un jeune rappeur qui arrive à nous réconcilier avec le meilleur du rap moderne. Le natif d’Orly (94) épouse parfaitement les codes actuels tout en puisant ses influences dans les années 90 et 2000. De plus, il a construit sa notoriété à coups de mixtapes et de vidéos remarquées, et s’est imposé en très peu de temps. Il est de ceux qui créent des passerelles entre plusieurs mondes et ce n’est pas pour nous déplaire dans la démarche.
On peut nous taxer d’être vieux jeu parfois mais on n’a pu rencontrer l’artiste et parler avec lui de ce qui nous réunit : le bon rap.
L’INTERVIEW
Tu aurais choisi ton nom « Take A Mic » suite la rencontre avec un vendeur de mixtapes à New-York qui t’avait exhorté à prendre le mic et à rapper : « Yo, take a mic and rap !». Tu ne l’avais pas fait mais tu en as gardé le souvenir. Est-ce vrai et si tu le recroisais aujourd’hui, tu prendrais le mic ?
Cette histoire est complètement vraie. Et si j’avais l’occasion de retourner à New-York, je le ferai sans hésiter.
Pourtant on croit savoir que l’impro ce n’est pas vraiment ce que tu privilégies.
Je ne suis pas expert en impro c’est vrai mais je me débrouille pas mal en freestyle. Pour l’impro, faut se lâcher, il n’y a pas de barrière dans la tête. Par contre, techniquement, je suis capable de me surpasser.
Toi qui a construit ta notoriété grâce aux mixtapes, le fait d’aborder un EP « officiel » t’a t’il fait modifier ta façon de travailler ?
Pas du tout. J’ai toujours gardé ma façon de bosser. Je gère tous les projets de chez moi, l’écriture, le maquettage, les effets etc. Ensuite, ça passe dans les mains d’un beatmaker et d’un ingé. Mais toute la conception, ça se passe chez moi.
« J’arrive pas à dormir alors je comble mes nuits à écrire et à enregistrer… Ça m’a causé des problèmes avec mes voisins. »
Il paraît que tu n’écris que la nuit.
J’arrive pas à dormir alors je comble mes nuits à écrire et à enregistrer. Souvent la nuit c’est plus facile, mes inspirations et mes idées arrivent naturellement. Ça m’a causé des problèmes avec mes voisins mais je n’ai pas lâché l’affaire. Je ne leur ai pas laissé le choix. Maintenant, ils comprennent car leurs enfants m’ont vu sur les réseaux sociaux et leur ont expliqué.
Justement en parlant des gens qui te voient sur les réseaux sociaux. On sent une forte attente de leur part. Tu en as conscience ?
Oui mais ça ne date pas d’hier. Dès que j’ai commencé les gens ont accroché. J’ai fait ma première mixtape à 17 ans. J’ai une majorité de fans qui est constamment aux aguets et qui n’attend pas de lire mon actu sur les sites ou à la radio. Ils vont naturellement chercher mes sons.
« J’aurais pu sortir un album depuis longtemps mais je sais que je peux faire encore mieux. »
C’est vrai que tu leur donnes à manger avec parfois 30 titres comme sur « Mauvaises Habitudes Volume 3 ». Pour « Bipolaire » tu passes à 6 titres. Ça doit leur faire bizarre non ?
Les gens ne font pas la différence entre une mixtape et un album. Dans une mixtape, tu fais ce que tu veux. Tu mets 70 morceaux si tu veux. L’album c’est particulier. Tu dois prendre beaucoup plus de temps. Il y a une construction. Il faut aussi que tu te sentes prêt. J’ai commencé par un EP 6 titres car je sais que je peux encore progresser et que je n’ai pas encore atteint le niveau que je recherche pour faire un album. Je suis jeune, j’ai encore le temps. J’aurais pu sortir un album depuis longtemps mais je sais que je peux faire encore mieux.
Ça permet aussi aux gens de voir ma progression. Finalement, l’EP réunit la vibe de tous les sons des mixtapes. La mixtape est l’entrainement et l’EP est le match.
Tu as beau être jeune, tu as été patient et tu n’as pas brulé les étapes.
J’ai pris sur moi. Si ca tenait qu’à moi, « Bipolaire » serait sorti plus vite car je l’ai bouclé il y a 8 mois. J’ai juste écouté les conseils de mon label et de mon management en termes de stratégie et de promo. Et ça paye.
Évidemment tu n’es pas bipolaire. C’est le thème du disque.
J’ai choisi ce thème parce que je trouve que la vie est bipolaire en elle même. On peut se retrouver entre potes en bas de la cité à parler de tout et de rien, et le lendemain se retrouver dans une soirée branchée. Chacun d’entre nous peut changer d’humeurs des dizaines de fois dans la même journée. Je ne fais que dire la vérité de ce que je vois et vis tous les jours.
Musicalement, j’ai fait en sorte d’être bipolaire en posant des textes qui vont presque à l’inverse de l’ambiance des instrus. Comme dans « Blessures d’Amour », je peux être humble sur quatre mesures et enchainer avec le contraire.
Tout le monde se prend la tête sur le rap old school versus la trap (y compris nous). Tu as l’air d’être au dessus de tout ça. Tes références vont vers des artistes comme Nas et tu es capable de rapper sur les beats d’aujourd’hui.
J’ai commencé à faire du rap entre ces deux périodes. Avant de me lancer là dedans, j’avais beaucoup écouté, beaucoup écrit. J’écoutais beaucoup Nas, The Game, Jay Z, Keri James, Rhoff, Booba etc. La base de mon écriture et de mon flow était proche du old school. C’est à ce moment là que sont arrivés la trap, le South Side, les sons d’Atlanta etc.
Au début, j’étais contre car le bpm était plus lent et les textes plus aérés. C’était limite trop facile pour moi. Mais les gens ont commencé à prendre ces mouvements comme références et cela s’est généralisé. J’ai longtemps boudé tout ça. Au fil du temps, j’ai arrêté de me plaindre et j’ai ajusté mon propre style. J’ai trouvé le juste milieu, mon truc à moi.
Tu as commencé à tourner et tu vas jouer dans des salles plutôt sympas comme un Trabendo en avril. C’est cool non ?
Oui c’est cool. Pour le moment, je fais des premières parties ou je suis invité sur un co-plateau. J’aime la scène et j’y vais toujours avec la même détermination. Plus je me produits, plus je montre que j’ai faim. Les gens ressentent en général cet esprit de revanche et de rage, dans le sens positif du terme, que je montre en concert.
Pourquoi de revanche ?
Tu sais, quand j’ai commencé, rien que mon nom déplaisait. Là où j’ai grandi, tout se passait bien mais j’étais toujours en avance ou en décalage. En avance parce que j’avais des Air Force ou des Jordan avant les autres qui me regardaient bizarrement pour finir par m’imiter deux ans plus tard. Décalé car j’étais à l’aise dans plusieurs monde, aussi bien dans la cité que dans d’autres milieux. On m’a aussi reproché d’avoir une voix trop claire. Mais finalement j’ai su prouver ma valeur au fil du temps et je continue à le faire. Ca me motive.
Début janvier, tu as publié sur OKLM une web-série qui suit ton quotidien. Dis-nous en plus.
C’est un truc que je voulais faire depuis longtemps avec mon réalisateur. On m’a toujours reproché de ne pas montrer qui j’étais vraiment. Personne ne me connaissait vraiment. On a proposé aux médias ce concept et c’est sur OKLM que ça se passe. Et encore, c’est pas complet car on a commencé à filmer à la sortie de « Bipolaire ». J’aurais préféré qu’on voit la préparation de l’EP. Là on me voit dans la vie de tous les jours.
Il va y avoir d’autres d’épisodes ?
On vient de publier le 3ème épisode. Et oui il y en aura d’autres. Je ne sais pas combien. En plus, on va continuer à filmer pendant mes prochains concerts aussi. Ça va venir au fur et à mesure en temps réel.
Une façon pour nous de suivre ton actualité de près. Merci.
Merci à vous.
L’EP « Bipolaire » est disponible sur l’ensemble des plateformes légales.
Retrouvez également Take A Mic en tournée jusqu’à mai.
TRACKLISTING :
01. El Nino Terrible
02. Hombre
03. Blessure d’amour
04. Dernière Minute
05. 4 Vérités
Because Music – Janvier 2017