DJ PONE : AVEC RADIANT, J’AI TOUT UN TRUC À RECONQUÉRIR

On ne peut pas dire que DJ Pone ait chaumé ces 20 dernières années. On ne vous fera pas l’affront de vous rappeler son CV long comme le bras. Alors, on pourrait s’étonner qu’au bout d’autant d’années, il ne sorte que son premier album solo « Radiant » disponible depuis aujourd’hui (21 octobre).

Alors c’est sûr, Pone a eu un emploi du temps de ministre et sûrement la tête à tous les projets qui lui ont été donnés de participer. Après une première tournée « Radiant Tour » mais aussi en parallèle celle des Casseurs Flowters cet été, le voici revenu pour se poser et sortir cet album complètement en indé, avant bien sûr de repartir sur les routes à la fin du mois.

On est ravis de l’avoir en interview aujourd’hui pour nous parler de cette nouvelle étape. L’interview est consultable ci-dessous mais également écoutable en audio.

 

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L’INTERVIEW

 

L’album à peine annoncé avant l’été, notamment avec le morceau « Heart Swing », tu partais déjà pour un premier « Radiant Tour » avec en parallèle la tournée des Casseurs Flowters à laquelle tu as participé. Question de timing avec l’arrivée des festivals d’été ou volonté de commencer par la scène ?

Un peu des deux. Les premières dates ont été faites sans moyens. Personne ne savait ce que j’allais faire. Personne n’était vraiment au courant que je sortais un album. Les gens s’imaginaient peut être que j’allais faire un DJ set et ils me voyaient débouler avec des musiciens pour jouer des morceaux que personne ne connaissait. C’est juste que j’étais en tournée avec les Casseurs Flowters, on a le même tourneur et il y avait des créneaux pour que je puisse essayer des choses.

Ça m’a mit dans la dynamique de préparer mon live et d’être prêt. Et aujourd’hui on a rebossé sur une deuxième version que je vais commencer à jouer à la fin du mois et que je vais améliorer avec le temps. C’était une façon de se dégourdir les jambes et d’envoyer un petit signal. Dans les festivals, on jouait souvent à la fin, les gens allaient et venaient par hasard ou par curiosité. Mais j’ai eu des retours assez positifs. C’était une sorte de premier essai pour voir comment ça pouvait marcher avec les musiciens et pour commencer à monter une nouvelle équipe de tour.

 

 

Les retours t’ont quand même apporté une satisfaction.

Oui mais ce n’était pas non plus super au point. On arrivait sur scène un peu à poil. C’était vraiment très ghetto mais ça nous a fait du bien de nous décrasser et de voir ce qui marchait ou ce que ne marchait pas. Il faut maintenant que le signal soit important. Il faut que les gens captent que quand ils vont venir voir « Radiant Live », c’est mon album qui va être joué et pas un DJ set ou une démonstration de turntablism.

Tu as donc assuré deux tours en même temps. Ce n’était pas trop dur ?

Franchement pas du tout parce qu’on a le même tourneur. J’ai même fait des doubles plateaux certaines fois. Je faisais le show avec Orelsan et Gringe, et je courrais ensuite pour faire le mien. Ce n’était pas compliqué. Comme on avait des plannings en commun, les tourneurs ne m’ont pas fait faire trop de trucs de fou.

Avec ta déjà longue carrière, « Radiant » est bizarrement ton premier album solo. Même avec ton expérience, c’est un grand pas de fait.

Honnêtement je considère que Sarh reste mon premier pas solo par que je suis vraiment seul à la production. Et puis après y’a quand même « Erratic Impulses » chez Ed Banger. C’est juste que quand j’ai quitté Birdy Nam Nam, je me suis retrouvé seul avec des envies et peut être inconsciemment des obligations. J’avais l’envie, le besoin et le temps de faire ce disque. C’était aussi une possibilité pour moi de dévoiler enfin qui j’étais vraiment musicalement. Quand je suis DJ d’un groupe, je ne suis pas le groupe, quand je suis avec BNN, je ne suis pas BNN. Personne ne pouvait complètement définir ma réelle identité musicale. Cela parait tard au vue de la carrière que j’ai eu mais pour moi ça arrive dans un timing complètement normal où je me sens prêt, y compris en tant qu’homme, de pouvoir assumer un succès ou un échec. J’ai pu faire l’album en autoprod parce que j’avais certaines clés qui me permettent d’éviter les pièges grâce à mon expérience.

Il y a 10 ans, tu n’avais peut être pas assez de confiance aussi ?

La confiance fait partie des facteurs qui existent vraiment dans la carrière d’un artiste. C’est pour cela que j’ai été souvent en groupe pour être soutenu. Mais malgré tout, je pense que c’est vraiment une histoire d’envie. Quand j’avais 25 ans, j’étais bien avec les Svinkels, avec Triptik, j’étais bien à être en tournée, à boire des bières, à rigoler, à mettre le feu. Il faut pas oublier que la moitié de ma carrière a été consacrée à la période DMC. Birdy Nam Nam a été la grande histoire musicale de ma vie avec des tournées dans le monde entier pendant 10 ans. J’ai toujours été épanoui. A la fin de la tournée avec les Casseurs Flowters, je me suis retrouvé seul et j’avais envie de défendre mon propre live. L’album et la nouvelle tournée sont arrivés au moment où cela devait arriver. J’ai toujours fait les trucs quand je le sentais.

Le feeling, l’indépendance et la liberté ont toujours été tes crédos.

Oui parce que j’aurais pu avoir des grosses formations. J’ai toujours été dans des groupes qui étaient un peu underground, en marge du reste.

Tu as travaillé l’album avec Superpoze. Comment se passe la rencontre de deux producteurs comme vous ?

Comme 95% des gens qui font de la musique. Je ne crois pas à la musique seul. Pour moi les vrais albums et les vrais projets se font en groupe. Tu as toujours un producteur, un réal, un mixeur ou un arrangeur. Personne ne fait son truc tout seul, en tout cas je pense que c’est un erreur. J’avais fait Sarh et « Erratic Impulses » tout seul au contrôle. Cette fois-ci j’avais besoin de pousser vraiment plus loin musicalement, j’avais besoin de compositions plus abouties. Ce n’était pas une question de technique, j’avais besoin d’avoir un avis extérieur de quelqu’un de différent, d’un autre âge que moi. J’avais envie de confronter mes idées. Et j’ai senti en discutant avec Superpoze qu’il pouvait m’apporter un œil nouveau, une espèce de douceur que je recherchais. En fait on avait beaucoup de points communs sur les textures et on était d’accord sur la direction du disque. Comme pour Sarh, ça s’est fait sans douleurs et on n’a pas forcé.

Ce sont tes conditions pour faire une collaboration ?

Ce sont mes convictions. Faire un album est une grande aventure. En tout cas, que ce soit dans la musique ou dans ma vie privée, j’évite toute toxicité et tout stress car cela m’a couté cher de supporter beaucoup de choses. J’ai assez de choses à gérer en général. Donc j’essaye de dégager toutes les choses qui freinent et qui m’emmerdent. Ce qui a été génial avec Superpoze et Boogie Vice, c’est que c’était facile. Au niveau des horaires, on travaillait le matin ou l’après midi, jamais la nuit. C’est aussi dû au coté indépendant, aucune deadline même si on s’était fixé un planning.

 

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Du fait qu’il soit plus jeune, tu as ressentis chez Superpoze la fraicheur que tu avais à son âge ?

Il est extrêmement mature musicalement. C’est déjà très bluffant. Ce qui m’épate dans des gens de sa génération, c’est la vitesse de réflexion, d’exécution et d’assimilation des choses. Les mecs peuvent télécharger plein d’albums alors que moi il me faut trois semaines pour écouter un disque et le comprendre. C’est d’une spontanéité incroyable. Je peux avoir cette spontanéité mais pas sur les mêmes choses. C’est pour cela qu’on s’est bien complété sur les références. Lui n’avait jamais entendu « Amnesiac » de Radiohead et moi je ne connaissais pas Mount Kimbie.

Lui a plutôt une culture UK et toi plutôt américaine.

Oui plus rap. En même temps, il connaissait plein de choses que j’avais fait. Il a aussi une culture rap un peu plus smooth de ce que j’écoute. Il y a cette génération de producteurs qui kiffent quand même les samples sauf qu’ils savent très bien s’adapter. Il y a beaucoup de barrières qui ont été cassées avec l’arrivée d’Internet. Il y a plein de choses qu’un artiste peut se permettre aujourd’hui. A mon époque, le rappeur qui se met à chanter sur le refrain, ça c’était interdit.

Toujours à propos de l’entourage de l’album, il ne contient que deux invités : Jaw et Isles qui apparaissent dans deux morceau chacun.

C’est pas vraiment deux morceaux car ils ont la même ligne mélodique. Je les ai juste découpé en deux. Concernant Isles, j’avais déjà des idées de featurings sur le morceau de base et je cherchais une voix. J’en parle à Pédro Winter et il me fait écouter la voix de Isles. Je lui ai envoyé la maquette et ce qu’il m’a renvoyé m’a plu. Et il est carrément venu à Paris pour enregistrer. On a fait ça dans le studio du frère de Breakbot alors qu’il n’avait jamais enregistré dans un vrai studio. Ce qui a été incroyable c’est que malgré son jeune âge (22 ans), il a été d’un professionnalisme qui m’a sidéré. En plus, ça s’était passé juste après les attentats et il m’avait appelé pour savoir si ça allait et au lieu de me dire qu’il ne viendrait pas, il était encore plus motivé. Ce morceau me touche beaucoup parce qu’il est arrivé dans un contexte vraiment difficile.

Parlons maintenant du clip « Physical Element ». Nous on y voit l’allégorie de ta carrière avec un point de départ et un point d’arrivée, en passant pas des chemins parallèles.

Mon frère l’a interprété un peu comme toi en allant plus loin dans la psychologie car il me connait. Mais je n’avais pas pensé à cela. Le cadreur qui était chargé de filmer avait eu l’idée de me suivre dans la rue. Un peu sur le ton de la rigolade je lui ai proposé de me suivre mais dans des endroits que moi « seul » connaissais. Et il faut savoir que les pires trucs n’y apparaissent pas car c’était trop sombre. Je l’ai vraiment emmené dans des trucs de fou. Limite le making-off du clip est assez drôle parce que dans les catacombes, on avait de l’eau jusqu’à la taille. On s’est vraiment marrer.

Le clip était aussi personnel car des prises ont été réalisées à Meaux où j’ai grandi, dans les endroits où j’ai trainé, sur les railles où je graffais. C’était juste des endroits où j’ai trainé quand j’étais jeune et qui me paraissaient esthétiques.

 

 

Un autre clip est en préparation : M.F.C.

M.F.C. pour Ménilmontant Football Club qui est une équipe qui évolue dans un championnat amateur. Le clip est terminé. C’est mon pote Léo qui m’a proposé un scénario autour d’un mec qui se fait courser par la police et qui se retrouve au milieu d’un match de foot. On y retrouve la ferveur des supporters et sans violence. Ce clip là est bouillant.

 

« J’ai tout un truc à reconquérir. Pone c’est pas Birdy Nam Nam. Je ne remplis pas de Zénith. »

 

La tournée de « Radiant » va débuter une nouvelle étape. Qu’est-ce qu’il y aura de nouveau ?

Il va rien y avoir de plus. Souvent quand tu fais des dates et que tu passes par Paris, tu te dis qu’il faut mettre le paquet. Je ne suis pas de cette école là, je vais donner le même concert que ce soit à Paris ou à Toulouse. Je n’aurai pas tous les featurings pour une raison de moyens de dispos mais j’aurai un batteur et un clavier sur scène. Je n’aurai pas de décor, ça sera un peu brut. C’est une volonté de ma part d’arriver avec un truc un peu vrai. C’est pas une volonté de retour en arrière mais il y a un truc « back to basics » où je reviens sur des petites salles. J’ai tout un truc à reconquérir. Pone c’est pas Birdy Nam Nam, je ne vais pas remplir de Zénith. Je reviens un peu avec les moyens du bord. Mais ça me plait de retourner au charbon. On va jouer tous les morceaux de l’album mais avec une sorte de relecture parce que rejouer à l’identique le disque, cela n’a aucun intérêt.

Un pote à toi s’apprête aussi à sortir son premier album : Gérard Baste.

J’ai écouté l’album, il est terrible. T’as toujours peur quand un ami sort un disque. J’ai toujours eu confiance en lui mais je me suis posé la question de savoir ce que ça allait être. Et je n’ai pas été déçu. C’est du Gérard Baste, c’est sincère avec toujours les bons raps, toujours les bonnes phrases. C’est goleri sans être beauf. Une sorte d’Action Bronson. Quelque chose de moderne mais avec les trucs old school qu’on kiffe. C’est pas de la trap quoi (ndlr : il précise qu’il aume bien la trap). Je dis pas cela parce que c’est mon pote mais je pense qu’il va vraiment marcher. D’ailleurs c’est moi qui mixe à sa release party le 28 janvier à l’Elysée Montmartre.

Merci Pone pour cet entretien.

Merci à toi.

 

 

 

L’album « Radiant » est disponible en digital et en physique chez Ponar.

 

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TRACKLISTING :

01. First Light
02. Heart Swing (feat. Jaw)
03. Physical Element
04. Ingenue (feat. Isles)
05. Take 2 (feat. Isles)
06. Renewal
07. Slow Motion (feat. Sage)
08. Discontinuity
09. M.F.C.
10. 9:00 PM Journey
11. Mad Boys
12. Thrill (feat. Louisahhh)
13. Highways (feat. Jaw)

Ponar – Octobre 2016

 

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