Tout label qui se respecte évolue dans le temps à la fois en signant de nouveaux artistes mais aussi en se reposant sur ceux qui constituent le socle de leur identité musical. Chez Musique Large il y a bien sûr l’inévitable Fulgeance et ses autres blazes. Mais depuis quelques années, le duo Baron Retif & Concepcion Perez a su se rapprocher du club très fermé des artistes « locomotives » avec 3 EPs et désormais un premier album « Navettes » disponible depuis quelques semaines.
De l’inspiration, de la simplicité, de l’humour et une dose de débrouille à deux, voilà ce qui compose la recette des deux musiciens que l’on retrouve dans cette interview.
L’INTERVIEW
On vous connaît pour avoir réalisé vos premiers EPs chez Musique large. Vous avez ensuite navigué au sein d’autres labels comme Heavenly Sweetness et Mostla. C’était important pour vous de revenir chez vos potes pour sortir ce qui est considéré comme votre premier album ?
Baron Retif : On ne revient pas parce qu’on n’est jamais vraiment partis. Il y a certains morceaux de « Navettes » qui étaient déjà en préparation lorsqu’on a sorti « L’indien » chez Heavenly Sweetness. C’était logique qu’on sorte ce disque chez Musique Large vu qu’il était dans la continuité de ce qu’on avait déjà fait chez eux, et ce avant qu’on ne les « trahisse » (rires).
C’est aussi parce que « Navettes » correspondait plus à l’univers musical de Musique Large ?
BR : C’est aussi parce qu’on savait ce qu’on sortait et où on le sortait. « L’indien » est le seul disque qu’on n’a pas mixé. Cela a sûrement fait la différence.
Concepcion Perez : On a quand même choisi les morceaux en fonction de leur destination.
On parle de « premier album » pour « Navettes » alors que « Cassette Mouillée » avait déjà des allures de LP avec son nombre de tracks et leur durée. En quoi vous considérez que « Navettes » est votre premier LP ?
BR : Les morceaux de « Cassette Mouillée » étaient un peu les rushs de nos précédents disques. C’était des trucs qui trainaient dans le studio et qu’on avait finalisé pour l’occasion. Mais on ne l’avait pas conçu comme un album. C’était un peu une compilation de face B avant d’avoir les face A.
« Pour nous, les disques précédents étaient déjà des LPs … mais les standards de l’industrie veulent que cela s’appelle un album … Nous on appelle ça des disques. »
« Navettes » était donc votre vrai premier travail d’album.
BR : Pour nous, les disques précédents étaient déjà des LPs. « Navettes » a peut être deux ou trois morceaux de plus que d’habitude mais les standards de l’industrie veulent que cela s’appelle un album. Pour nous « L’indien » et « Cascades » sont des albums. Nous on appelle ça des disques.
Votre dossier de presse parle d’un voyage dans l’espace durant lequel on pourrait écouter le disque. Mais l’album a beau s’appeler « Navettes », ni les morceaux ni les clips ne renvoient à la thématique de l’espace finalement. Qu’est – ce qui pourrait nous faire penser aux étoiles alors ?
CP : Je crois que la NASA avait balancé sur Soundcloud l’enregistrement du disque en or qu’ils avaient envoyé dans l’espace et qui contenait le mot « bonjour » dans plusieurs langues. Pour nous cela n’a en effet rien à voir. En fait, c’est au moment de créer l’univers visuel que notre graphiste (ndlr : et accessoirement l’un des boss de Musique Large) Rekick nous a proposé le logo avec la navette spatiale. On a bien aimé le concept et on est partis là dessus même si notre idée de départ était une navette maritime.
BR : On avait cette idée d’un bateau sur lequel on écouterait la musique qu’on aime. C’est un peu nul de le dire mais pour « Navettes », on trouvait ça marrant de refaire cette espèce de house de l’été avec cette rythmique un peu facile, qui est finalement assez compliquée à faire. On a commencé par cette idée et on a fini pas ne faire que ça à la fin.
Rien de bien philosophique dans le concept du disque en somme.
BR : C’est pas philosophique mais ce n’est pas dénué de sens. Cela nous faisait marrer d’obtenir ce son qu’on imagine diffusé sur des navettes ou dans des ascenseurs. Encore une fois c’est un peut nul de le dire mais le sens c’est que cela nous amuse.
Dans un disque majoritairement instrumental, on remarque d’autant plus les featurings. Celui qui est le plus surprenant c’est celui avec le groupe de rap français Coeff. On ne s’attendait forcément pas à ce genre d’association.
CP : En fait on enregistre plein de morceaux avec Coeff depuis quelques temps maintenant. Ce qui aboutira sans doute un jour à quelque chose. « Kamoulox » était l’un de morceaux préférés et on a décidé de le mettre sur « Navettes » quand le projet est devenu cet espèce de « pot pourri » sympathique. Pour nous il collait à l’ambiance et c’est pas plus mal si les gens pensent qu’il tranche avec le reste.
BR : Et pourtant la matrice instrumentale de ce titre ressemble à plusieurs autres morceaux de l’album et plus particulièrement au morceau « The Crave ». Cela nous semble donc pas le titre intrus dans le disque.
Autre featuring en la personne du rappeur Napoleon Maddox que vous avez fait chanter sur le titre « The Crave ». Pourquoi l’avoir utilisé « à contre courant » ?
BR : Tout simplement parce qu’on l’a écouté plein de fois chanter sur Soundcloud, sur des vidéos et aussi en concert. Il avait fait une création pour Banlieues Bleues avec des chansons de Nina Simone sur lesquels il posait sa voix. On avait déjà un morceau de rap français et on n’avait pas envie d’un morceau de rap américain. On s’est dit que ce serait une bonne idée de l’inviter sur le disque.
Vous avez un process de collaboration classique ? Vous envoyez les instrus à l’artiste et il bosse dessus ?
CP : C’est ce qu’on fait tout le temps. Ça doit être la même chose pour tout le monde mais l’instrumental n’est pas tout à fait fini quand on l’envoi. Quand l’artiste nous le renvoi, on le finalise.
A chaque fois que vous utilisez du chant dans vos prods, ça sonne toujours un peu plus chamallow. Vous êtes des canards en fait.
CP : Non c’est pas ça. C’est normal qu’on utilise les instrus qui se prêtent le plus à du chant. C’est au feeling, c’est instinctif, on ne réfléchit pas trop à ça en général.
Depuis la sortie de l’album, vous avez eu l’occasion de tester les morceaux en live. Ça se passe comment jusque là ?
CP : On ne joue jamais vraiment tous les morceaux d’un disque en live. On doit jouer la moitié de l’album comme « Gazoduc », « Flexible Funk », « Kamoulox » et aussi « Les Oiseaux ».
BR : En règle générale, les morceaux qu’on joue en live sont adaptés pour qu’on les joue à deux. Et pour une fois, les nouveaux titres ressemblent un peu plus à ceux enregistrés en studio.
Il vous arrive d’improviser pendant les lives ? Autrement que de changer la set list ?
BR : On la change la set list en permanence. Sinon ça nous arrive quelques fois d’improviser mais ce n’est pas pour le faire à tout prix. Il peut y avoir quelques zones dans le set où ça peut bouger.
CP : Sur nos disques, on enregistre 6 à 10 pistes chacun par morceau et on fait avec nos mains et nos jambes en live. Cela donne souvent des versions différentes qu’on aime bien aussi.
Vous n’êtes que deux depuis le début. Vous n’êtes pas tentés d’étoffer votre palette d’instruments ou voir même de monter une formation plus importante sur scène ?
CP : Ce n’est pas du tout une règle qu’on s’est fixé de jouer tout le temps qu’à deux. Par exemple sur « Navettes » il y a deux morceaux sur lesquels Benjamin Guibert joue de la bass. Des fois on aimerait bien avoir un super trompettiste mais on ne la pas encore trouvé. Du coup on fait à deux pour le moment.
C’est vrai que de nos jours, on peut tout reproduire avec les machines.
BR : C’est surtout qu’on ne peut pas reproduire les sons d’un trompettiste dont on n’a pas le contact (rires). Pour le studio c’est vrai qu’on pourrait inviter plein de gens. Ça c’est à l’infini. On pourrait faire en live que du beat mais on préfère jouer d’une façon très particulière. Ça fait très longtemps qu’on le fait ensemble et c’est vrai que ce serait un peu compliqué d’intégrer d’autres gens. Cela pourrait marcher pour la moitié du set qui est plutôt calibré mais pas pour le reste qui est un peu « off-set ». On a crée des automatismes ensemble.
On parlait de Coeff tout à l’heure. C’est quoi vos futurs projets ?
BR : Pour BR&CP, on vient de sortir un disque donc ce ne sera pas pour tout de suite pour un nouveau projet. Concernant Coeff, on a déjà fait tellement de choses avec eux que cela va aboutir à quelque chose. On a dix instrus en tout et cinq morceaux chantés déjà. Par contre, on se sait pas quand cela sortira.
CP : On vient de sortir un remix pour le groupe Selen Peacock qui est disponible sur K7. On a aussi d’autres projets qui sortiront dans des compilations très bientôt.
Et il va y avoir des remixes par d’autres des morceaux de « Navettes » ?
BR : C’est possible. Quelques pistes de travail ont été évoqués. Rien n’est encore décidé mais on aimerait bien.
Prenons déjà du plaisir à découvrir votre album. Merci messieurs.
L’album « Navettes » est disponible sur toutes les plateformes de téléchargement gratuit.
TRACKLISTING :
01. Navette
02. Kamoulox (feat. Coeff)
03. Blanchiment
04. The Crave (feat. Napoleon Maddox)
05. Comme La Vague
06. Gazoduc
07. ML Disco Club
08. Flexible Funk
09. Les Oiseaux
10. Kamoulox (instrumental)
Musique Large – 2016