Certains d’entre vous ont peut être découvert Poldoore lors de son passage l’année dernière sur la scène de La Machine du Moulin Rouge, à l’occasion de la soirée spéciale « La Boulangerie » de la Fine Équipe. Il était en effet apparu sur le volume 3 avec le morceau « Cinamonn Roll ».
Par contre, si vous avez l’habitude de parcourir en long et en large les plateformes de partage de musique, vous conviendrez que le producteur Belge est plus que prolifique avec à son actif pas moins de cinq EPs, de multiples remixes et trois albums. Le dernier en date justement « The Day After » est dans les bacs depuis deux semaines. L’opus succède à « The Day Off » en 2014 et assoit définitivement une touche à la Poldoore faite de hip hop, de jazz et de soul.
Rencontre avec un artiste discret qui ne s’exprime que par la musique. Vous nous direz que c’est tout ce qui compte finalement mais on ne vous cache pas le plaisir qu’on a eu de l’interviewer.
L’INTERVIEW
Tout d’abord, on voudrait savoir comment tu prononces ton nom d’artiste ? « Poldoure » ou « Poldaure » ?
Je prononce « Poldaure » mais cela dépend des pays. Aux États-Unis, ils prononcent plutôt « Poldoure ». C’est comme vous voulez.
Cela a une signification particulière ?
Non pas vraiment. C’est juste que quand j’étais adolescent, j’étais tombé sur un bouquin de mon père dont l’auteur s’appelait comme ça. J’avais 16 ans et au moment où j’ai produit mon premier track, je me suis souvenu de ce nom et je l’ai adopté.
Il parait que tu as passé 12 mois en studio non – stop pour réaliser cet album ?
Pas que pour l’album mais pratiquement les trois quarts du temps. Le reste du temps, je l’ai passé à faire des remixes et des tracks destinés au partage sur mon Soundcloud. Comme à mon habitude, j’ai produis plein de sons et j’en ai choisi onze pour « The Day After » que j’ai transformé en morceaux complets.
C’est le timing moyen pour produire un album pour toi ?
C’est à peu près çà. Je sors un album tous les deux ans en moyenne. Entre les deux, je fais plein d’autres choses comme des collaborations. C’est un travail qui prend pas mal de temps.
On imagine bien que d’enregistrer avec plusieurs artistes peut prendre du temps et cela peut être compliqué.
Cela prend en effet du temps mais ce n’est pas pour autant compliqué. Je compose mes beats de mon coté et ensuite je bosse avec les artistes. J’utilise beaucoup de trompette grâce à mon pote Will Magid. Il vit aux États-Unis mais il était venu me voir l’année dernière. En quatre jours, on a enregistré un maximum de choses que j’ai pu utiliser à ma guise, que ce soit pour l’album ou pour d’autres titres. Concernant les MCS, on a fait des échanges par mail et pour les musiciens, j’ai la chance qu’ils habitent dans la même ville que moi. Ce qui a facilité le travail.
Tu es toi – même musicien ?
Je joue du piano depuis l’âge de 10 ans mais je ne suis pas très bon. Je suis plus à l’aise devant ma MPD.
Dans ton process de production avec des guests. Quel est l’équilibre entre tes compositions et l’apport des musiciens ?
Cela dépend mais généralement, j’envoie un son assez minimal aux musiciens pour leur laisser un maximum de marge de manœuvre. Je ne leur dis jamais ce qu’ils doivent faire. Ils me renvoient plusieurs interprétations et je travaille autour. J’essaye de transformer leurs interprétations en des sons à la Poldoore, tout en gardant leurs identités.
« Pour cet album, il n’y a que deux ou trois titres sur lesquels il y a des samples. Le reste a été entièrement enregistré avec des musiciens. »
Du coup, tu utilises moins de samples quand tu bosses avec des musiciens ?
Exactement. Généralement, j’adore chercher des samples et digger des sons obscures des années 70 que j’utilise dans mes remixes et mes edits. Mais pour cet album, il n’y a que deux ou trois titres sur lesquels il y a des samples. Le reste a été entièrement enregistré avec des musiciens.
Avec des musiciens, c’est forcément plus organique.
C’était le but recherché particulièrement sur ce nouvel album. Je dirais même que j’ai voulu utiliser le moins de sons crées sur machines afin de donner plus de rondeur, plus de consistance.
De part le titre, il semblerait que « The Day After » est strictement la suite de « The Day Off ». Les deux jours se suivent donc ?
C’est exactement ça. Les sons de « The Day Off » étaient plus joyeux, plus représentatif d’une fin de journée et du début d’une soirée. Sur « The Day After » ils sont plus calmes, plus profonds et plus dans un style abstract comme un lendemain plus tranquille. J’ai voulu crée une suite logique aux deux disques.
C’est vrai qu’on voit le levé du soleil sur la pochette du disque et on devine qu’on est le matin. Est – ce que l’album est le récit d’une journée ?
Non pas du tout. C’était effectivement le cas pour « The Day Off ». Bien que j’ai fait en sorte de placer les tracks dans un ordre cohérent, l’album ne raconte pas le déroulé d’une journée.
Que ce soit le jour ou la nuit, ta musique est toujours entrainante, même si elle n’est pas forcément uptempo. On a l’impression qu’elle est le reflet de ton état d’esprit. C’est le cas ?
C’est exactement ça. Quand je compose des morceaux, c’est toujours en reflet à mon état d’esprit du moment. Sur l’album, il y a un morceau qui sonne reggae parce qu’au moment de le composer, je pensais au soleil et à une température de 25 degrés (ndlr : oui il est Belge). Pour « Midnight in Saïgon » j’avais en effet produit le track tard dans la nuit dans mon studio sombre. Mes morceaux sont vraiment influencés par l’environnement où je me trouve et à l’heure où je travaille.
Tu ne fais jamais de morceaux dark ?
Je ne sais pas pourquoi. Je fais mes tracks au feeling et ça donne ce résultat. Pourtant, j’aime écouter des sons un peu dark à la Burial par exemple. Mais quand je compose ma musique, je suis plutôt dans des ambiances plus aériennes et atmosphériques.
Pour revenir à la pochette de l’album, on te voit vraiment pour la première fois au premier plan. Tu apparaissais sur la pochette mais parmi un groupe de personnes qui tournent le dos. Y’a t’il une raison pour laquelle tu ne te montres pas beaucoup ?
En effet, je ne suis pas très à l’aise pour me montrer sur des photos, surtout si elles sont publiées sur les réseaux sociaux. Mon label Cold Busted voulait vraiment une photo pour la pochette du disque. Le cliché a été pris sur un rooftop dans la ville où j’habite. Mais je précise que je ne suis pas au centre de la photo et je n’en suis qu’un élément. Non en général j’évite de m’exposer au même titre que je ne communique pas mon vrai nom.
Tu continues à tout faire de A à Z, de la production au mixage. C’est une question de budget ou d’exigence personnelle ?
Non ce n’est pas vraiment une question de budget car le label se donne les moyens pour le travail de mixage. C’est juste que ces dernières années, j’ai lu beaucoup de livres sur le mixage et j’ai participé à certains workshop. Je voulais vraiment mettre mettre en pratique mes connaissances. Et puis faire le mixage moi-même me permet d’obtenir mes sons propres. Faire appel à quelqu’un d’autre donnerait sûrement un autre résultat.
Tu as signé l’album encore sur le label de Los Angeles Cold Busted. Tu sembles être fidèle à ce label avec qui tu bosses depuis le début. Pourtant, tu dois être sollicité par d’autres labels. Qu’est ce que tu aimes chez eux ?
On s’entend bien avec Daisey qui est le patron du label. Il est honnête et transparent avec ses artistes. Il les soutient et les paye en temps et en heure. Cold Busted est aussi une équipe qui aime vraiment la musique et qui travaille vraiment bien. On a les mêmes gouts musicaux. Je ne me vois pas bosser avec un autre label pour le moment même si je n’ai rien signé d’exclusif. Ceci dit il m’arrive quand même de faire des remixes pour d’autres labels.
On connaît pas mal d’artistes belges comme Lefto, Baloji, Cris Prolific, toi et Débruit qui est français mais qui vit à Bruxelles. Toi tu as collaboré récemment avec des français comme la Fine Equipe ou le Scratch Bandits Crew. Tu fais encore une différence entre la scène française et la scène Belge ?
Pour moi l’écart est encore grand. En Belgique, les scènes beats et hip hop sont importantes mais pas autant qu’en France. Par exemple, quand je joue un morceau des Chinese Man en Belgique, les gens ne connaissent pas et réagissent pas tout de suite. Je ne sais pas pourquoi mais c’est ça qui me fait dire qu’il y a encore une différence.
Il y a d’autres artistes français avec qui tu voudrais travailler ?
Il y a en effet beaucoup de français avec qui j’aimerais bosser en studio. 20Syl et Fakear par exemple. A la rigueur je voudrais juste passer du temps avec eux en studio pour les observer et voir comment ils travaillent.
Maintenant que le disque est sorti. Tu prévois de faire une tournée ?
Oui. Je serai à Lyon en mai et je passerai pas la Grèce et la Suisse. Je vous invite à checker les dates sur mes pages.
Tu aimerais tourner aux États-Unis ?
J’aimerais beaucoup en effet. Ce n’est pas forcément prévu dans le cadre de la sortie de « The Day After » mais je sais que j’irai un jour.
On n’a pas l’impression que tu ais une formule live avec un groupe pour défendre tes albums.
Pour le moment, je joue de la MPD sur scène et je suis accompagné généralement d’un seul musicien, en l’occurrence un saxophoniste. J’ai eu l’occasion de jouer avec un groupe complet il y a quelques semaines à San Francisco et ça s’est super bien passé. Mais c’est compliqué de réunir des musiciens pour des raisons de disponibilités et de coûts. Pour l’instant, je veux juste faire de la musique et je ne me vois pas avec un groupe dans deux à trois ans à venir.
Tu veux juste faire de la musique et on continuera de l’écouter et d’en parler. Merci beaucoup Poldoore !
Merci c’est sympa. Merci à vous et à bientôt sur Paris.
L’album « The Day After » est disponible sur toutes les plateformes de téléchargement légal et sur le Bandcamp de Poldoore.
TRACKLISTING :
01. No Face
02. Midnight In Saïgon (feat. Astrid)
03. Hard To Forget
04. A Higher Intelligence
05. A Beautiful Eve
06. This Road (feat. Sleepy Wonder)
07. Reason Why
08. Corn Syrup
09. Broke For A Minute (feat. Barney Artist)
10. Lost In Heaven
11. Antartic Circle
Cold Busted – Avril 2016