Près de 30 ans séparent les premiers pas dans la musique de Guts de son nouvel album « Eternal » sorti le 1er avril chez Heavenly Sweetness. Et pourtant, le producteur est au top de sa forme et de sa notoriété.
Même s’il est loin d’être un inconnu, force est de constater que son aura est encore plus vaste depuis ces dernières années et ses productions au sein de son propre label Pura Vida n’ont cessé de le propulser encore plus haut. Cela avait commencé avec « Freedom » en 2009 en passant par le très remarqué « Hip Hop After All » en 2014.
Grâce à une mutation progressive vers le live – band et le soutien de l’excellent label Heavenly Sweetness, Guts s’est révélé à un public plus large et aussi plus jeune, tout en gardant les fans de la première heure, acquis à l’époque du « Bienheureux », créant ainsi une dynamique inter-générationnelle des plus intéressante.
Dans cette interview, il nous parle de son nouveau projet et pourquoi il n’en est qu’au début.
L’INTERVIEW
Première question : ton précédent album « Hip Hop After All » avait pris plusieurs mois de préparation alors que ce nouvel album « Eternal » s’est réalisé en seulement 3 mois. Comment tu as fait pour faire tout cela en un temps aussi réduit ?
L’idée de ce projet était de le faire assez rapidement pour pouvoir le proposer de suite en tournée. On voulait sortir l’album dans la foulée et avoir la possibilité de ré-enclencher de l’actu après « Hip Hop After All ». On voulait vraiment enchainer pour se donner la chance de faire les gros festivals d’été. Ce qu’on n’avait pas réussi à faire avec le précédent album.
C’est pour cela que tu as voulu travailler avec les mêmes artistes ?
Je n’ai voulu collaborer qu’avec les mêmes artistes car c’était plus simple mais surtout parce que ces artistes sont brillants et talentueux. Grâce au live band qu’on avait mis en place pour « Hip Hop After All », on a pris de l’épaisseur, on a vécu de belles histoires ensemble et on a fait une centaine de concerts en deux ans. C’était donc tout naturel de collaborer ensemble sur « Eternal ».
Comment vous avez fait pour être aussi efficaces ?
Pour les artistes étrangers comme Leron Thomas, Tanya Morgan et Lorine Chia, on les a fait venir des États-Unis, ce qui représente un coût. Ce qui renforçait notre volonté de tout concentrer. Mais comme on se connait bien et qu’ils sont talentueux, on a pu travailler d’une manière très réactive. On avait aussi sélectionné vingt idées au préalable et pendant les deux semaines de studio non – stop, on a pu les faire aboutir et les enregistrer. Et à partir de là, on en a choisi 14 pour figurer sur l’album et 6 autres qui apparaissent dans un mini – album destiné à ce que j’appelle nos hardcore fans, c’est à dire les fans les plus fidèles.
« … avec autant d’artistes aux influences et aux inspirations diverses, cela se ressentirait forcément sur le disque… Je n’ m’attendais pas à ce résultat aussi éclectique. »
Tu appuis donc sur le fait que c’est un album « collaboratif » et « collectif ». Ca veut dire que tous ces collaborateurs ont eu un impact sur la direction artistique du disque ou tu as gardé la main dessus ?
Je garde la main car je reste un peu le chef d’orchestre du projet. Mais tu imagines bien qu’avec autant d’artistes aux influences et aux inspirations aussi différentes, cela se ressentirait forcément sur le disque. Toutes ces vibes, toutes ces énergies ne pouvaient que faire un truc multi-genres hyper riche. Je ne m’attendais pas à ce résultat aussi éclectique.
On n’est pas surpris par cet éclectisme quand on connait ton parcours. Seulement, cela pourrait être un peu déroutant pour le récent public que tu as su capter ces dernières années. Un public plus jeune et plus hip hop.
Ça peut être effectivement surprenant ou déstabilisant pour celui qui m’attend dans un registre « Le Bienheureux », « Paradise For All » ou « Hip Hop After All » qui était axé sur ma culture hip hop et sur l’héritage musical dont je me suis nourris à travers cette musique. Je propose là une sorte d’album concept qui me sort de ma zone de confort. Mais au final, tout le monde peut s’y retrouver, que ce soit le mec qui m’attend dans mon registre habituel et celui qui me découvre et qui sera plus réceptif à des morceaux plus jazz, plus afro ou plus Brésilien.
Avec 14 tracks sur l’album, il y a de quoi faire.
Comme je le dis souvent, il est difficile de ne rien aimer dans cet album au même titre qu’il est difficile de tout aimer. Maintenant, il y a des fois où il faut se mettre en danger. Je suis confiant sur le fait que les gens finissent par trouver leur bonheur parce que ça groove à mort malgré tout.
En parlant de sortir de ta zone de confort. Qu’est ce que cela t’a procurer de travailler en seulement 3 mois ? Plutôt stress ou excitation ?
Ça m’a apporté autant d’excitation que de stress en fait. Mais il ne fallait pas qu’on se pose trop de questions. Et j’avoue qu’on a tous été surpris d’obtenir un tel résultat en si peu de temps. On a passé deux mois en studio pour faire aboutir toutes les maquettes, puis quinze jours pour la composition dans sa totalité, puis quelques jours pour arranger les titres, ensuite on a mixé le tout avec Mr Gib de La Fine Equipe, et enfin je suis allé en Angleterre pour masteriser l’album encore une fois avec John Dent.
Tu as dis que vous aviez commencé par la scène. Cela vous avait permis de tester les morceaux en live ?
Exactement. Évidemment, on s’est aperçu de certaines choses qui n’allaient pas. Mais il a eu de nouvelles idées qui sont arrivées. Et du coup, on est retournés une journée supplémentaire pour peaufiner et optimiser certains titres.
« J’ai surtout appris que quand on met son égo de coté, qu’on ne s’offusque pas quand plusieurs de tes idées ne sont pas retenus par le groupe, et qu’on fonce tous ensemble dans la même direction, c’est gagné. «
Quelles seraient les choses nouvelles que tu auras apprise à l’issue de cet album ?
Tout d’abord, j’ai appris qu’on pouvait faire aboutir une vingtaine de morceaux en deux semaines, ce qui ne m’était jamais arrivé auparavant (rires). Il faut aller au bout de ses idées. Il faut avoir pleinement confiance avec les gens avec qui tu travailles à condition de les avoir choisi. J’ai surtout appris que quand on met son égo de coté, qu’on ne s’offusque pas quand plusieurs de tes idées ne sont pas retenues par le groupe, et qu’on fonce tous ensemble dans la même direction, c’est gagné.
Toi qui a collaboré avec tellement de gens, on a l’impression que tu as trouvé ta formation ultime.
C’est exactement ça. Je me suis un peu cherché au début. Avec Tanya Morgan, Leron Thomas, Lorine Chia, Florian Pellissier, Kenny et Thibaut, je pense sincèrement que j’ai trouvé la formation parfaite. J’ai jamais eu un band aussi costaud. Il est possible que dans l’avenir cela change pour diverses raisons mais en attendant je suis hyper satisfait de cette configuration.
Qui dit plusieurs collaborateurs, dit plus de place à leur laisser notamment sur scène. On t’a connu avec plusieurs machines avec seulement un ou deux musiciens. Maintenant, ça doit faire bizarre de n’avoir qu’une MPC sur scène.
Oui ça fait bizarre. C’est plutôt un rôle de chef d’orchestre que j’ai maintenant. Du coup, cela me permet d’instaurer une proximité avec le public en lui parlant et en animant avec les MCs et les chanteurs. J’ai le socle des morceaux dans ma MPC et tout le monde suit derrière. J’ai une sensation super agréable de ne pas être tout seul sur scène et être dans un collectif où on s’éclate et où il y a tellement d’énergies qui convergent. Avec le temps, on a développé une complicité entre nous et on devient de plus en plus potes.
« Je m’aperçois que plus je tourne avec mon live band, plus je vais avoir du mal à revenir à quelque chose de numérique. »
On ressent un coté plus organique dans ta musique. C’est sûrement lié à ta volonté d’être sur scène ?
Je pense que le coté musique vivante et musique hyper dynamique est une vraie valeur ajoutée et ça me fait vibrer. Je m’aperçois que plus je tourne avec mon live band, plus je vais avoir du mal à revenir à quelque chose de numérique. Quelque chose de programmé. Je ne sais pas si je reviendrai sur scène avec que des machines.
En tant que « chef d’orchestre », ça t’intéresserait de diriger une formation plus grande comme avec un philharmonique ou une chorale ?
Ça me renvoi à ce que fait Wax Tailor avec 70 musiciens sur scène. Pour ma part, je ne suis pas aussi ambitieux mais j’avoue que mon rêve serait d’avoir une chorale de gospel et une section de cuivres complète à la limite de la fanfare. Pas trop des cordes car c’est pas ce que je préfère.
Sans péter la tirelire, on pourrait imaginer des ajouts à l’actuel show non ?
Oui. Pourquoi pas une flute en plus car j’adore ça. Des percussions aussi et dans l’idéal une seconde batterie. Mais la formation actuelle me convient tout à fait.
Tu disais ne pas savoir si tu reviendrais sur scène seul avec des machines. Néanmoins tu as repris tes activités de DJ cette année. Où vas tu trouver le temps ?
Je me suis remis au DJ set par le biais de mes compilations « Beach Diggin ». Elles me motivent à digger comme un fou. De fil en aiguille, je m’y suis remis progressivement. J’ai mixé récemment dans une soirée qui s’est super bien passée. De plus, avec DJ Suspect, on n’arrête pas de se chauffer et d’essayer de faire des trucs ensemble. Ça me prend pas autant de temps finalement. C’est un truc que j’avais un peu mis de coté mais avec mon background ainsi que la diversification de mes activités ces dernières années, je reviens au DJ set avec une orientation artistique différente et une nouvelle énergie.
« A 45 ans, je suis un old-timer mais je regarde toujours vers l’avant. »
Lors de ton récent passage au New Morning, tu as dirigé des enfants en première partie de ton concert. Ça venait d’où cette idée ?
C’est parti d’un diner avec le père d’un gamin qui joue de la batterie et qui étudie dans une école Américaine de musique. Et en discutant, je me suis dit que ce serait marrant de monter un groupe de kids pour ouvrir mon concert en jouant deux titres de mon répertoire. L’objectif était de surprendre, de faire un lien avec « Want It Back » (ndlr : morceau sur lequel Guts a fait chanter des enfants du Studio School Voices à New-York) et de mettre en avant la nouvelle génération. A 45 ans, je suis un old-timer mais je regarde toujours vers l’avant.
On pourrait aller plus loin. Pourquoi ne pas faire un disque qu’avec des enfants ?
Complètement. Pourquoi ne pas mettre en place un spectacle complet avec des enfants en plus du disque. On est carrément aux prémices de l’idée. C’est à developper !
Une grosse tournée est en cours. Des dates à l’étranger sont prévues ?
Oui il y aura quelques tournées à l’étranger du fait du coté anglophone du projet. On a aussi la chance d’avoir un tourneur qui s’occupe de ça. On va avoir pas mal de dates en Angleterre, on va aussi retourner à Istanbul au Babylone qui est une salle mythique là bas. Et on ira dans quelques festivals notamment en Suisse et en Belgique. Pour le moment, on a des dates jusqu’à fin août.
On ne manquera pas de suivre tout ça. Merci pour cette interview.
Et bien de rien. Pura Vida à vous tous.
L’album « Eternal » est disponible sur toutes les plateformes de téléchargement légal ainsi que sur le shop de Heavenly Sweetness.
Voici un snippet de l’album mixé par Lefto pour avoir une vue d’ensemble (source : LeMellotron).
TRACKLISTING :
01. Opening
02. Take Me Back (feat. Leron Thomas & Tanya Morgan)
03. All Or Nothing (feat. Tanya Morgan & Lorine Chia)
04. Dirty Otter
05. Give You Up (feat. Leron Thomas)
06. Rest Of My Life (feat. Lorine Chia & Tanya Morgan)
07. Peaceful Life (feat. Lorine Chia)
08. Incomplete (feat. Leron Thomas)
09. Nowhere
10. Kiss My Converse (feat. Tanya Morgan & Leron Thomas)
11. Epic Poses (feat. Leron Thomas)
12. Every Generation
13. Desintoxication
14. Dance Love & Die
Heavenly Sweetness – Avril 2016
Retrouvez aussi toutes les dates de la tournée française de Guts.