Fuck Buttons : « Nous avons toujours considéré Fuck Buttons comme un duo de punk »

Un des rares groupes dont les performances s’évaluent sur l’échelle de Richter vient de produire une des pépites (météorites) de 2013. Des productions droites sorties du cul du diable que Fuck Buttons sait aujourd’hui sculpter en colosse. Le duo à écouter avec un casque (de chantier) pique une nouvelle fois notre curiosité, on a couru discuter de la Reine, de filets de sauvetage et de punk.  

Vous avez pour habitude de décrire cet album comme étant « le sentiment que l’on ressent au  moment où les yeux ont besoin de se réajuster au réveil et qu’ils réalisent que vous êtes dans un endroit inapproprié et peu accueillant« . Comment cette drôle d’idée vous est venue à l’esprit ?

Benjamin Power : en fait ça n’a jamais été notre intention de faire un album fondé sur ce sentiment. Comme pour tous nos autres albums, quand nous avons fini l’écriture, nous n’avions absolument aucune idée de ce que le résultat final allait donner ou évoquer. C’est toujours une toile vierge en premier lieu. C’est uniquement après un titre, ou l’album complet dans le cas présent que nous commençons à discuter d’une potentielle imagerie. C’est une idée particulière qui nous est venue au moment où nous achevions Slow Focus.

C’est quelque chose que vous avez expérimenté ? Où étiez vous où quand l’idée a surgi ?

Benjamin Power : là où nous sommes la plupart du temps  – notre studio ‘Space Mountain‘ à East London.

Slow Focus est votre travail le plus direct. C’est venu naturellement ou c’était l’ambition ?
Benjamin power :
encore une fois, ce principe de « toile vierge » que nous appliquons fait que nous n’avons jamais d’idées conductrices avant de se lancer dans l’écriture ou la production. Nous ne savons jamais comment un titre va sonner avant que nous l’ayons fini. Notre processus de composition et hyper ludique et fondé sur l’exploration. Le son est conçu et fignolé le long de la route jamais avant.

Et comment c’était de produire soi-même son album cette fois-ci ? D’ailleurs pourquoi cette fois-ci vous avez choisi de le produire vous-même ? Vous n’avez plus besoin d’un avis extérieur désormais ? Peut-être était-ce pour établir le son de Fuck Buttons plus clairement ?
Benjamin Power :
Parfois un avis extérieur peut s’avérer utile lorsqu’il s’agit de problèmes techniques mais s’il s’agit de la manière dont nous devons produire, ça n’a toujours regardé que nous deux. À vrai dire, nos albums sont toujours écrits à 100% lorsque nous arrivons en studio pour les enregistrer. C’est derniers temps, nous avons eu nos propres studios et une meilleure compréhension de certains softwares donc il semblait logique de tout faire nous-même et chez nous, dans notre studio.

Andrew Hung : ça a juste été une évolution naturelle pour nous que de produire nous-même nos propres albums. En travaillant avec des grands producteurs, nous nous sommes rendus compte que notre processus d’écriture incorporait déjà la production donc l’étape finale a été de réaliser que l’enregistrement ne concernait finalement que la technique.

Vous avez pour habitude de qualifier vos producteurs de « filets de sauvetage ». À priori, vous n’en avez plus besoin, vous vous sentez plus confiants aujourd’hui ?
Benjamin Power :
oui en quelques sortes… Je pense que nous voulions surtout avoir la maitrise totale du projet sur cet album.

Andrew Hung : mais oui c’est certain, plus on avance dans notre travail, plus nous sommes confiants.

J’ai quand-même le sentiment que vous voyiez le producteur comme une entrave…
Benjamin Power :
non. C’est juste une dynamique de travail complétement différente. Et nous voulons toujours essayer des choses différentes. C’était logique de procéder ainsi sur celui-ci.

Andrew Hung : en plus nous voyions la contrainte et la limitation comme une bonne ligne créatrice. Par contre, si tu nous demandes si les producteurs avec lesquels nous avons bossé sont des entraves, ça n’est pas du tout le cas, ce sont des types incroyablement talentueux auprès de qui nous nous sommes sentis chanceux d’apprendre différentes manières de bosser.

Un des gros changements de l’album est l’utilisation massive de beats (comparé à avant). Cet album à l’air plus orienté hip hop, vous en avez écouté beaucoup avant/pendant l’écriture ?
Benjamin Power :
oui, nous sommes tous les deux des gros fans de hip hop. Mais encore une fois rien n’était prévu, nous n’avions pas planifié de faire un album avec une teinte hip hop. Mais certainement qu’en expérimentant un nouvel équipement durant le process d’écriture certaines idées se sont naturellement tournées vers le hip hop, surtout dans les rythmes, oui.

Andrew Hung : se cantonner à un genre estompe le plaisir de faire de la musique pour moi, mais je dois dire qu’il y a quelque chose dans le hip hop voire la techno – tout deux partagent des traits communs – vraiment attirant. Ce n’est pas tant les qualités esthétiques que le potentiel idéologique. Finalement, ils traitent tous les deux de liberté dans la répétition, ce qui est particulièrement relié à notre musique. Mais en termes d’esthétique, non on ne souscrit à aucun son/genre/style particulier.

Et vous produiriez pour un rappeur ? J’entends, votre musique parle d’elle-même mais vous n’êtes pas curieux d’entendre ce quelqu’un peut écrire sur votre musique ?
Benjamin Power :
ouais ! Je suis partisan de chaque expérience nouvelle.

Andrew Hung : c’est vrai que je serais curieux d’entendre le résultat.

Deux de vos titres ont été joué l’an dernier pendant la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques. Qu’est ce que ça fait de se dire que la Reine a écouté du Fuck Buttons ?
Benjamin Power :
(rires) c’est vraiment drôle comme idée mais je doute qu’elle est fait plus attention que ça. Et quoiqu’il en soit, ce soir là, elle se jetait d’un avion en parachute dans le stade olympique donc notre musique devait être le cadet de ses soucis (rires).

Andrew Hung : With regards to the Queen, je dois dire que l’ensemble de cette histoire est complétement surréaliste.

À vrai dire n’est-ce pas hyper logique que votre musique fasse l’ouverture des Jeux Olympiques ? Un de vos titres s’appelle Olympians et vos lives sont… comment dire ? Physiques.
Benjamin Power :
C’est à vrai dire une totale coïncidence. Même s’il est vrai qu’il y a un sentiment de dépassement de soi et de triomphe dans le titre qui colle à merveille à l’esprit Olymique. C’est vrai que quelque part c’est parfaitement logique, moi je vois complétement la connexion.

Andrew Hung : eh bien : merci ! On considère vraiment ça comme un compliment.

En parlant de ça : j’ai eu l’occasion de vous voir plusieurs fois sur scène en France et… vous jouez hyper fort les mecs. Ça fait partie de l’expérience live de Fuck Buttons ?
Benjamin Power :
le volume est un outil dynamique que l’on utilise pour immerger l’auditeur. C’est certainement une grande part de l’expérience globale.

Andrew Hung : l’expérience live requière un haut volume; c’est d’ici que vient la puissance. Et tu n’imagines pas l’étendue des possibles avec ça.

Terminons sur une question un peu weird : adolescent j’écoutais pas mal de punk, de hardcore, de crust… Et depuis votre premier album je ressens quelque chose que j’adorais dans ces albums, sans pouvoir expliquer quoi. Aujourd’hui encore dans votre public je vois pas mal de fans de hardcore, vous savez pourquoi ? Vous sentez une quelconque connexion entre votre musique et le hardcore ?

Benjamin Power : Il y a peut-être un élément agressif dans notre musique ainsi qu’une attention particulière à ne jamais utiliser nos instruments de manière conventionnelle qui peut provoquer ce sentiment. En même temps, au fond de moi, j’ai toujours considéré Fuck Buttons comme un duo « punk ». Surtout dans notre manière de travailler le son.

Andrew Hung : Moi, je n’ai jamais écouté de punk/hardcore parce que je n’aime pas spécialement l’esthétique mais il y a quelque chose dans l’expression du sentiment qui m’interpelle par contre. C’est très direct et sans détour vis à vis des émotions. Et ça c’est une qualité que j’attribue aussi à Fuck Buttons.