L’électron libre Aufgang revient avec un magnifique deuxième album au titre imprononçable, Istiklaliya… Un choix judicieux pour un groupe inclassable né il y a 12 ans à New York. Les argumentaires promotionnels généralement adressés avec les disques vendent le trio comme <
Francesco Tristano, Rami Khalifé et Aymeric Westrich composent le trio d’Aufgang. Et contrairement à ce que l’on peut lire parfois dans la presse, Aufgang n’est pas «le nouveau projet instrumental de Francesco Tristano». «Honnêtement c’est un peu vexant, confie humblement Aymeric Westrich. Surtout au regard de l’investissement de chacun dans le groupe. Aufgang est né à New-York en 2001. D’une volonté commune de créer de la musique indépendante et libre… Et la concrétisation s’est faite en 2005 au festival Sonar à Barcelone. C’est d’ailleurs à l’occasion de ce concert que le label Infiné est venu nous voir pour nous proposer de les rejoindre.»
Véritable ovni sonore, Istiklaliya se distingue de leur premier et brillant album éponyme. Les pianos abandonnent leur domination, la batterie donne le « la »… pour un résultat brut et live. Les constructions narratives de l’album sont explosives. Ne ressemblent à aucune autre. «C’est très compliqué de décrire notre musique… Je suis pourtant conscient que les gens ont besoin de repères. Si je devais classifier Aufgang, je serais bien ennuyé. Je dirais simplement que notre musique est baignée d’influences musicales diverses. On ne fait pas de fusion, ni de cross over. Ça ne doit pas être évident de nous classer en magasin. Pour autant, je pense que c’est une force aujourd’hui de ne pas être cantonné à un genre. Si tu prends un groupe comme «Justice» par exemple, tu ne les imagines pas ailleurs qu’en rock ou en électro. Nous, il n’y aurait rien de choquant à nous trouver au rayon classique.» Et si Aufgang était tout simplement une nouvelle forme de rock ? «Peut-être, oui ! D’autant que nous sommes très influencés par le rock. Francesco et Rami ont par ailleurs écouté beaucoup d’électro. Ils ont une culture techno très poussée. Je n’évoque même pas leur culture classique intense.» Même background pour Aymeric Westrich, qui s’est rapidement dirigé vers le jazz, le hip hop et les musiques actuelles. «J’ai fait des productions pour Kery James, joué à l’orchestre classique du conservatoire de Boulogne, accompagné Cassius et Phoenix pendant leurs tournées.» On comprend d’ores et déjà mieux le melting pot sonore que représente Aufgang. «Quand nous nous sommes rencontrés à New York, nous avions la volonté de faire de la musique sans barrière. Je pense que nous y sommes parvenus. La liberté et l’indépendance sont les leitmotive du groupe.»
La grande force d’Aufgang, c’est son unicité. «Et pourtant, nous n’avons rien inventé. Aufgang est le fruit de tout ce que nous avons absorbé pendant des années. Personne n’est en mesure de créer quelque chose de véritablement nouveau aujourd’hui. Maintenant, on a vraiment en tête d’avoir notre propre langage… Aufgang, c’est nous de la première à la dernière note. Nous ne voulons pas d’un truc putassier. J’ai beaucoup de mal avec les copiés/collés qui sortent sans arrêt. Dès qu’un groupe produit un truc cool et intelligent… tu peux être certain que dans les semaines ou les mois qui suivent, une masse de gens vont faire la même chose… Quel intérêt ? On est vraiment un peu cons là-dessus. On enfile des œillères… surtout quand on s’apprête à enregistrer en studio. Quand on écrit de la musique, on fait attention à ne jamais ressembler à quelque chose d’existant. Il y a suffisamment de pollutions, dans le sens noble du terme, qui interagissent sur ce que l’on fait pour ne pas avoir à aller copier. Et honnêtement, on n’a pas besoin de ça. On est très créatif !» Il suffit de se balader sur leur disque pour s’en rendre compte par soi-même. Le bien nommé «Vertige» et sa rupture rythmique à 2’40 est à tomber… presque autant que le romantique «African Geisha» ou l’émouvant «Rachael’s Run».
La volonté d’Aufgang sur ce nouvel album, c’était de transposer sur CD la force et la dynamique du trio en live. Car, pour ceux qui l’ignoreraient, Aufgang prend toute sa dimension en concert. «Istiklaliya est beaucoup plus brut, beaucoup moins aseptisé que le premier album. On a pris 3 semaines pour l’enregistrer. Certains morceaux sont nés d’une totale improvisation. On a enregistré sur bandes pour ne pas avoir à tout refaire sans arrêt.» François «Grandmaster French» Baurin produit l’album et choisit de privilégier les prises brutes pour garder la spontanéité et l’intensité du groupe sur scène. «On n’a pas voulu retoucher les fausses notes. Et il y en a. Il y a aussi des décrochages rythmiques, des accidents… A mon sens, ils sont effacés par la dynamique et la force des morceaux.» Pour leur série de concerts, deux pianos, une batterie et quatre ou cinq synthétiseurs seront installés sur scène. Les pianos seront surélevés pour que Francesco Tristano et Rami Khalifé puissent jouer debout. L’assurance d’une dimension plus rock et plus énergique aussi. «Nous sommes anti-démonstration. Nous jouons simplement avec l’envie et la rage ! Comme des machines. Mais avec la dynamique de l’humain.» Nous confirmons.
Un souhait ? «Oui ! On adorerait faire une musique de film… avec un réalisateur qu’on kiffe ou avec un mec original. Pourquoi pas un vidéaste ? Pas une musique orchestrée à la Hans Zimmer… plutôt dans l’esprit des productions de Wendy Carlos. Elle, c’est la grande classe ! Un projet avec Chris Cunningham nous botterait bien. Coppola père aussi !» A bon entendeur.
Par Alain Jouve
Prochaines dates
Printemps de Bourges, 27 avril
Le Rockhal, Luxembourg, 10 mai
Les Nuits Botaniques, Bruxelles, 11 mai
Le Krakatoa, Bordeaux, 16 mai
La Bobine, Grenoble, 23 mai