Brandt Brauer Frick Ensemble « Mélanger un beat électronique avec des instruments classiques peut vite sonner bidon »

Précision et incroyable maîtrise du rythme et de l'harmonie, c'est sans aucun doute ce qui caractérise le mieux la musique du trio venu tout droit de Berlin, Brandt Brauer Frick. Avec déjà un album à leur compteur, sorti en 2010, Brandt, Brauer et Frick reviennent le 13 mars avec Miami, un deuxième album où encore une fois, des allemands nous apprennent à faire de la techno sans machine. Vous avez dit bizarre ? Non : incroyable. Rencontre.


De l'électronique faite à l'aide d'instruments de musique classique, c'est comme ça que vous définiriez votre musique ?

En fait, on ne la définit pas. Cela ne correspond pas à notre façon de faire de la musique. Chez nous c'est intuitif, c'est quelque chose qui relève de l'émotionnel, alors la manière dont on fait notre musique, c'est un peu secondaire. Que ce soit un synthé ou un tuba, c'est pareil. On est sans doute influencés par la techno old school de Détroit et par des compositeurs du classique, mais on préfère ne pas s'inscrire dans un courant en particulier, on veut se sentir libre de faire ce que l'on veut.
 

Vous n'aviez donc pas prévu d'en arriver à ce résultat ?

Vous savez, si la composition musicale était complètement prévisible, faire ce que l'on fait ne servirait plus à rien… Mais en écoutant la musique des autres, on a automatiquement beaucoup d'idées qui nous viennent et certaines se concrétisent vraiment. Et dans ce cas là, on est toujours un peu surpris du résultat. On ne planifie donc rien, l'important c'est que le résultat nous plaise à nous trois.

 

C'est compliqué de mélanger des instruments classiques et des instruments analogiques ?

C'est quelque chose qui peut être facile quand ça marche au premier coup. Mais parfois, c'est plus compliqué. Quoiqu'il en soit, trouver différentes couleurs au son, que ce soit avec des instruments acoustiques ou électroniques, est un de nos plus grandes occupations. Ce qui est bien pour nous c'est que c'est un champ où encore beaucoup de choses peuvent être découvertes. Mais il faut faire attention car parfois, mélanger un beat de batterie électronique avec des instruments classiques peut vite sonner bidon.

 

Et vous vous organisez comment pour écrire la musique ?

On essaie d'abord de ne pas commencer tous nos morceaux de la même manière. Ca peut être une batterie, un thème de piano, un synthé analogique ou même juste un bruit bizarre dans une pièce. Ensuite, c'est de l'improvisation, on recherche de bons éléments à mettre ensemble, on leur donne une structure et on improvise de nouveau. Puis on laisse le morceau, et peut-être deux semaines après, on le réécoute. Soit on le met à la poubelle, soit on le retravaille. Et ainsi de suite. La plupart du temps on enregistre un instrument après l'autre mais ça il nous arrive d'enregistrer deux ou trois instruments en même temps. Les instruments électroniques que l'on utilise en studio sont des synthétiseurs analogiques et des effets, mais pas de boite à rythme. La plupart de ce que l'on enregistre passe par un micro.

 


Et vos influences ? Plutôt des artistes qui ont essayé avant vous de mélanger instruments du classique et moderne ou rien à voir ?

 

Les artistes qui ont tenté de mélanger la musique classique et l'électro nous ont beaucoup inspiré oui mais en nous faisant comprendre ce que nous ne voulions pas faire. Sinon d'autres personnes nous ont inspirés : Theo Parrish, Floating Points, Pearson Sound, Flying Lotus, Thundercat, Matthew Herbert, Jeff Mills, 4Hero, Herbie Hancock, Steve Reich, Gustav Mahler… et beaucoup beaucoup d'autres.

 

Comment vous en êtes venus à faire de la musique ensemble au fait ?

Jan et Daniel se sont rencontrés à l'école, ils ont fait partie de nombreux groupes ensemble. On s'est tous rencontrés il y a cinq ans, on aimait la musique que chacun faisait et on a commencé à faire de la musique ensemble.

 

Et le nom, il vient d'où ?

Ce sont nos noms en fait : Daniel Brandt, Jan Brauer, Paul Frick. C'est simple et ça n'aurait pas pu être autre chose.

 

Votre nouvel album, Miami, comprend plus de voix que le premier, c'était intentionnel ?

Oui, on voulait se surprendre nous-mêmes.

 

On retrouve notamment la participation de Jamie Lidell, Om'mas Keith, Nina Kraviz, Grudun Gut et Erika Janunger. Vous les avez choisis comment ?

Ils sont tous des artistes que l'on admire beaucoup et à qui on a simplement demandés s'ils voulaient faire de la musique avec nous. On voulait avoir des chanteurs différents pour chaque chanson et on voulait utiliser leurs voix de différentes manières. On connaissait personnellement Nina, avant de faire l'album, mais c'est tout. On est très heureux de tous les connaître maintenant. On a joué des morceaux en live avec Jamie, Erika et Gudrun et en mars on part en tournée avec Om'Mas Keith qui jouera le rôle, en quelque sorte, du quatrième membre du groupe.



Vous diriez que cet album est plus dancefloor que le précédent ?

Oui et non. Parce que les morceaux sont soit trop rapides soit trop lents pour être mixés comme de la musique de club. On s'est sans doute éloignés de l'esthétique de musique clubbing avec laquelle on a commencé. Mais c'est juste qu'entre temps on a du jouer environ 200 shows et qu'évidemment aujourd'hui on se sent plus comme un groupe qu'avant. Maintenant, on a vraiment l'impression de donner des concerts et non une performance de club. Enfin bon, quoi qu'il en soit, on peut toujours danser dessus !

 

Pourquoi "Miami" ?

On laisse l'auditeur se faire sa propre idée. C'est le Miami que l'on imagine, pas forcément le vrai Miami. Ce pourrait être Atlantis aussi…

 

Depuis quelque temps, on parle beaucoup du déclin de Berlin en matière de musique électro ou avant-gardiste, vous en pensez quoi ?

Berlin est un endroit incroyable pour y vivre et pour y faire de la musique. Il y grouille tellement d'artistes, tellement de genres différents de musique. Mais il est vrai que depuis quelques années, la scène berlinoise est devenue un peu ennuyante, parce que trop de gens tentent de récréer une ambiance pour laquelle Berlin est connue de toute manière. Mais je suis sûr que Berlin a encore de belles choses à apporter au monde de la musique.

 

Vous avez joué dans presque le monde entier, une préférence ?

On a beaucoup de chance d'avoir joué dans tous ces endroits du monde mais c'est impossible de comparer et de dire où l'on a préféré jouer. Bon, ok, le Japon et le Mexique sont sans aucun doute les meilleurs pays du monde !

 

Vous préparez comment vos lives ? C'est important pour vous de monter sur scène ?

On ne s'entraîne quasiment jamais pour nos lives. À part quand on joue des choses nouvelles. On adore être sur scène, c'est comme une drogue, du coup on préfère ne pas répéter jusqu'à la mort.


Propos recueillis par Adeline Journet