Mano Le Tough : « Je ne cherche vraiment pas à produire un truc de banger »

Beaucoup le comparent déjà à John Talabot, c'est pas faux ni injurieux et comme on voit plus ou moins jusqu'où il peut aller, on le capte dès à présent dans nos pages.

 
 

Beaucoup de producteurs privilégient le format maxi. Qu'est ce qui t'as poussé à produire un LP entier ?

Mano Le Tough : Tu sais, je viens d'un contexte qui n'est pas uniquement centré sur la dance. J'écoute aussi des albums consacrés par beaucoup comme des classiques et pour moi ce sont les meilleurs donc naturellement, le Long Player (LP) a été la meilleure alternative en tant qu'artiste.

 
 

De toutes façons depuis ton premier EP, tu as toujours été attiré par un songwritting très affirmé. Tu n’as jamais eu pour ambition de faire strictement de la dance ?

Mano Le Tough : Je peux en faire pour des remix par exemple, là j’aime bien avoir un résultat très dirigé vers le dancefloor. Mais je pense que l’essence de ma musique n’est pas adaptée aux clubs, je ne cherche vraiment pas à produire un truc de banger, je vois ce que je fais comme un mélange de club et de songwritting.

 
 

L’an dernier, j’ai discuté avec John Talabot lors de la sortie de son superbe album, il me disait qu’au delà d’avoir conçu une trame narrative forte dans son œuvre, il voulait faire un album qui s’écoute à la maison. C’est une ambition que tu partages avec lui ?

Mano le Tough : Ouais complétement ! Cet album est fait pour être écouté en voyageant ou en voiture ou chez soi. Je veux vraiment qu’il accompagne l’auditeur. J’ai envie de tisser cette relation là avec le public.

 
 

Je repense à John Talabot. C’est la comparaison qui revient systématiquement sur toi. C’est pas fatiguant à la longue ?

Mano Le Tough : non… Pas vraiment. Il faut que le public me situe, je crois. Et puis nous sommes très bons amis tu sais. C’est pas gênant du moment que c’est quelqu’un que j’apprécie (rire, ndlr). Si c’est une comparaison avec un truc nul c’est sûr, ça va me vexer (rires, ndlr)

 
 

J’ai eu ouï dire que cet album traitait des relations entre les êtres humains. C’est ça ou j’ai halluciné ?

Mano le Tough : non, tu as raison mais seulement sur une partie de l’album. 

 
 

Mais j’ai le sentiment qu’il y a une grande solitude dans cet album, qu’est ce que tu essaies de dire des relations humaines finalement ?

Mano Le Tough : (rires, ndlr) c’est une bonne question. Mais à vrai dire, je traduis ça par des humeurs, c’est très abstrait en fait.

 

Toujours rayon solitude, tu chantes tout toi-même sur l’album. Pourquoi tu n’as pas opté pour quelques featurings ?

Mano Le Tough : c’est un album très personnel. Je voyais mal quelqu’un d’autre chanter dessus. Je crois que l’idée me gène un peu même. Et puis si j’avais invité quelqu’un d’autre ça n’aurait pas été la même dynamique, l’album entier ne serait vraiment pas le même.

 
 

Mais tu aimerais travailler avec quelqu'un ? Tu as une collaboration en tête ? Est-ce qu'il y a une voix qui irait particulièrement bien avec tes productions ?

Mano Le Tough : j'en sais rien à vrai dire. Je sais qu'il y a des gens bien plus qualifiés que moi pour ça mais je n'ai personne en tête.

 
 

Tu disais que cet album est inspiré par tes propres expériences mais les thèmes abordés dans l'album sont le cannibalisme, l'aire primitive… Donc… Qu'est ce qui s'est passé dans ton existence ?

Mano Le Tough : (rires, ndlr) Non je n'ai mangé personne hein. Encore une fois, c'est très abstrait, c'est plus des métaphores de ce que j'ai vécu. Et des titres comme "Cannibalize" ne traitent pas de cannibalisme en tant que tel, c'est plus une allégorie de la société actuelle, d'une économie qui se dévore elle-même.

 

Donc tu n'es pas en colère contre la civilisation ?

Mano Le Tough : non ! (rires, ndlr)
 
 
Et comment c'était de produire de la dance music en Irlande ?

Mano Le Tough : c'est ma contrée natale, je l'adore et il se passe vraiment plus de trucs que ce que l'on croit là bas. C'est différent de Berlin (où il vit, ndlr), c'est certain mais j'avais besoin de prendre l'air, de rencontrer d'autres producteurs et de grandir en tant qu'artiste. Mais je connais des personnes qui font de la super musique en Irlande, je crois que c'est juste un feeling personnel.

 
 
Tu vis toujours à Berlin ?

Mano Le Tough : ouais, toujours. Ça fait six ans maintenant.

 
 

Et comment tu vois les choses évoluer là-bas. Parce que des squats ferment du fait de la pression immobilière, la Sacem locale devient étouffante…

Mano Le Tough : je ne sais pas. En fait je crois que ça n'a pas autant changé que ce que les gens pensent. En vivant ici je ne ressens rien de tout ça. La scène est toujours très forte ici et l'activité culturelle n'est vraiment pas menacée.

 
 

Pourtant on entend souvent que les touristes sont de moins les bienvenus, il y a de plus en plus de comportements agressifs vis a vis d'eux ou des expatriés. On te traite bien toi au moins ?

Mano Le Tough : oui. Et puis je crois qu'ici personne ne doit oublier que le tourisme génère énormément d'argent. Ce sont les touristes qui payent nos salaires non ? Avant, Berlin était une ville désertée parce qu'il n'y avait pas de boulot ni rien à faire. C'était une ville mourante et le tourisme et la vie nocturne l'ont vraiment redynamisée. J'ai le sentiment parfois que l'on crache dans la main qui nous nourrit.

 
 

Samedi c'est la première fois que tu joues à Paris, qu'est ce que tu as prévu ?

Mano Le Tough : rien encore mais je suis persuadé que je suis fait pour m'entendre avec le public Français !

 
 

Nous en sommes persuadés de même. Chose vérifiable ce samedi à La Machine.