(Loïg,Todd et moi) Photo (C) Marlène Desaize
Ce mois-ci, Todd Terje a sorti un nouvel EP de 4 titres qui s’intitule << It's Arp >> (composé avec l’ARP2600, un synthé analogique – d’où le titre). L’occasion pour moi de vous balancer mon interview du norvégien blond et timide que j’ai eu la chance de rencontrer aux Transmusicales de Rennes. Je lui avais posé quelques questions à une heure tardive de la nuit, mon pote Loïg sous le bras (fan de la première heure de Todd).
J’ai été sur ton blog aujourd’hui. Et j’y ai appris que tu es intarissable quand il s’agit des lignes de basse de Rinder and Lewis et de « dub snare reverbs » …
Todd Terje : Mon blog parle de trucs « nerdy ». C’est clair qu’il n’est pas à destination du grand public. C’est plutôt une vaste private joke dédiée à tous mes potes producteurs. À titre d’exemple : ma copine n’y va jamais. Elle le fait tourner à quelques potes, mais elle ne le lit pas elle-même. En fait, j’essaye d’être « deep » – puisque les nerds pas « deep » ne sont que des « regular super heroes ». Enfin, y’a des « nerds » partout. Si un mec est à fond dans… disons, les tissus de chaussettes fabriquées à Taïwan – alors oui, là c’est un nerd aussi.
Je suis d’accord. Sinon, j’ai lu quelque part que t’étais encore étudiant – mais j’ai du mal à y croire.
Effectivement. J’ai arrêté il y a genre 6 ans ! J’étais en plein dans mes études de physique. Mais j’ai tout lâché pour la musique.
T’as un autre pseudo : « Tango Terje ». Dans quelle mesure cette autre signature te permet-elle de sortir des morceaux différents ?
Tango Terje tu vois, c’est mon alter-ego bootlegs, celui qui me permet de sortir des tracks pas forcément tout à fait légales. À l’inverse, « Todd Terje » est la version la plus aboutie de mes productions : tous les samples sont soit déposés, soit méconnaissables. J’ai aussi 2 ou 3 autres noms secrets dont je me sers parfois. Le truc, c’est que je ne fais pas de la musique pour gagner en célébrité. Je me fiche un peu que les gens puissent se dire « OK là c’est du Todd Terje » donc je fais avant tout des tracks pour m’amuser. C’est bateau dit comme ça, mais c’est vrai.
Et tu remixerais quoi, là, si tu pouvais ?
Wild combination, de Arthur Russell. J’ai écouté ça ce matin.
T’en ferais quoi ?
Je ne chercherais pas à changer complètement le squelette du morceau. Mais j’essayerais de le revisiter façon 70’s. À la manière de Tom Moulton et Walter Gibbons, tu sais. Walter Gibbons aimait bien remixer des morceaux un peu pourris et en faire des tracks cool, sans en changer complètement l’esprit initial. J’adorerais pouvoir remixer Wild Combination, qui est de toute façon un morceau déjà exceptionnel. Mais pour le moment, je ne l’ai qu’en version démo.
Est-ce que tu es plus Paradise Garage ou Studio 54 ?
En général, la majorité des DJs répondrait « Paradise Garage » parce que c’est plus cool. Mais moi, je ne sais pas. Beaucoup des morceaux que je joue sont mainstream, donc je suppose que je suis plutôt Studio 54 – même si j’aimerais beaucoup me définir plutôt Paradise Garage !
C’est quoi ton edit préféré ?
Celui de Paul Simon je crois. D’habitude, quand je fais un edit, je n’ai accès qu’à une seule version du morceau – la version stéréo, celle que tout le monde a sur CD. Mais pour celui-ci, j’ai réussi à choper plusieurs versions : vocal, bass, drum… C’était presque un remix.
Comment tu crées ?
J’ai toujours énormément de mal à me motiver. Ce qui explique pourquoi je n’ai sorti que 3 singles, ces derniers temps. Le plus dur est d’avoir une bonne idée. Une fois que j’isole une idée et l’étiquette comme « bonne », alors tout s’enchaîne automatiquement et je bosse corps et âme pour la faire se concrétiser. Quand je passe plus de 30 minutes à débroussailler une idée, je sais qu’elle est mauvaise. Si tu mets trop de temps à faire le brouillon d’un morceau, c’est que tu t’es perdu dans des détails. Et si tu te perds dans les détails, c’est que tu n’avances que via des arrangements microscopiques et que tu as perdu la vue d’ensemble de ton morceau. Mauvais signe.
C’est amusant, MCDE me racontait ce matin que chez lui, commencer un morceau était plus simple que le terminer.
On devrait peut-être travailler ensemble !
Qu’est-ce qu’un producteur comme toi écoute pour être inspiré ?
J’adore les 3 premiers albums de Penguin Café Orchestra. C’est à la fois « folky – hippie et strange », le tout en accord majeur. Ce qui me change de la deep house (que j’écoute beaucoup aussi).
À quand une tournée Todd Terje, Prins Thomas et Lindstrøm ensemble ?
Prins Thomas et Lindstrøm ont fait 2 albums ensemble, alors y’a un moment où ils ont pas mal joué à deux. Mais pour le moment, rien n’est prévu. On se voit tous les jours au studio, on boit des cafés ensemble, on discute. C’est cool. Mais Hans-Peter (Lindstrøm) est très live, et moi je suis plus DJing. On aimerait bien faire quelque chose ensemble, mais pour le moment on ne sait pas encore comment. Ça va venir.
Tiens, Loïg et moi, on s’attendait à un set plus disco ce soir.
C’est vrai, c’était pas disco. À part un remix de Jellybean à la fin.
Loïg : c’était pas très Todd Terje, tout ça !
Ah, honnêtement, je ne suis pas d’accord. Beaucoup de gens pensent que Todd Terje ne fait que des sets disco. J’adore le disco, mais seulement quand le contexte s’y prête. Seulement quand c’est naturel.
Loïg : oh mais ça aurait été naturel, là.
Tu penses ? Peut-être que j’ai eu une mauvaise appréciation de l’ambiance, c’est possible. Mais pour en revenir au discours de nerd : je crois que les fréquences, mes morceaux non-masterisés, leur compression… n’auraient pas été raccord avec la profondeur de la salle, l’ambiance festival… Ces dernières années, j’ai appris à apprécier un bon morceau des années 70 dans son côté chaud et charnel… un contexte que l’on n’aurait pas pu avoir ce soir, dans le grand hall. Les basses et les batteries n’auraient pas été retranscrites comme je le veux – alors j’ai préféré ne pas jouer de disco ce soir. C’est le nerd en moi qui a pris cette décision. Pas moi.