L’album Quinte Flush Royal est sorti depuis un moment maintenant. La Caution jouit déjà d?une solide réputation, mais Les Cautionneurs sont encore une notion vague pour beaucoup. Une rencontre avec les 5 de Noisy-Le-Sec va permettre de recadrer les choses.
On connaît La Caution, mais qui sont Les Cautionneurs ?
Saphir : Les Cautionneurs sont une extension de La Caution. Ou plus exactement, La Caution est un extrait des Cautionneurs. Au complet, nous sommes 5. Il y a les deux frères de La Caution, HiTekk et Nikkfurie, 16S64, Izno qui est le troisième petit frère et moi, Saphir. Ça fait 5 MC’s.
Depuis le premier album de La Caution, on a pu entendre des featurings avec Les Cautionneurs… Comment est venue l’idée ou la nécessité d’un album ?
NikkFurie : Notre truc à la base, c’était de rapper tous ensemble. Nous étions tous des amoureux de la performance et du emceeing. Nous sommes tous de Noisy-Le-Sec. Nous nous retrouvions en bas, au quartier, avec un poste ou un autoradio et le but c’était d’avoir le texte le mieux écrit, les phases ou le flow le plus ouf. Et nous enchaînions un peu comme quand tu joues au foot.
Saphir : Tu veux mettre des petits ponts et t’essaies surtout de pas t’en manger !
NikkFurie : C’était de la compétition saine et petit à petit ça nous a tous fait progresser. Mais avec HiTekk, nous étions un peu plus anciens et nous avons eu l’occasion d’avancer un peu plus. Mais nous restions tous dans le même collimateur. Ça a donc été naturel qu’un album des Cautionneurs arrive au-delà des deux titres qu’il y avait eu sur nos deux albums. A force de cottoyer le milieu rap, nous nous disions qu’il était dommage de laisser tout ce talent à la maison. « Quinte Flush Royal » s’est fait rapidement, mais en réalité, il se fomente depuis plus de dix ans.
Comment se fait-il que La Caution ait pris autant d’avance sur le groupe originel ?
HiTekk : Ça dépend tout simplement des priorités des gens. Il se trouve qu’entre NikkFurie et moi il y avait une alchimie qui faisait que ça fonctionnait vite fait. De toute manière nous avons avancé pour tout le monde.
NikkFurie : Le problème majeur qui se pose au début quand tu commence à te structurer, quand tu veux rendre ton truc professionnel, c’est le taffe ou l’activité que tu peux avoir à côté. Un des mec qui rappait avec nous au début, Papi, il joue en National au foot. Un autre était à la Fac. Ça devenait difficile à gérer. Nous avons profité de l’impulsion du fait qu’on était prêt pour avancer. Nous avons ouvert la brèche. Nous avons fait connaître un son, un style dans le rap français. Un truc qui n’existait pas. Aujourd’hui le reste du groupe profite de ça.
16S64 : … et notre style n’a d’ailleurs toujours pas d’équivalent, il faut le dire !
A quoi tient ce flow hyper particulier que l’on pouvait penser exclusif à La Caution, mais qu’on retrouve finalement chez vous 5 ? Hi-Tekk et Nikkfurie vous ont donné des cours, ou c’est venu par mimétisme ?
NikkFurie : Nous avons vraiment la même ligne de conduite liée à la performance. Dans nos morceaux, il n’y a pas la même rime claquée que quinze mille mecs ont fait, on associe la bonne punch line au bon flow et c’est ce qui fait qu’on arrive à avoir une vraie prestance. Les Cautionneurs c’est pas « Ouaich cousin, on vient d’Noisy L’Sec, c’est la merde ». Ça sera un message similaire à ça puisque nous venons d’une banlieue, mais avec une putain d’écriture derrière. Nous ne sommes ni là pour faire du misérabilisme ni pour être nul en rap. Après avoir rappé, nous voulions que le mec qui passait derrière se dise : « Putain comment il a écrit ça !? Pour faire la même chose ça va être compliqué ! » Ce truc-là a été créé à Noisy Le Sec, entre Cautionneurs.
Saphir : Personnellement, j’ai appris à rapper avec La Caution, donc tu peux retrouver le système de rimes, la construction, c’est normal. Si j’avais appris à rapper avec un mec nul, j’aurais été nul. Après, chacun amène ses propres influences au sein du groupe parce que nous n’écoutons pas tous les mêmes choses. Chacun a sa propre identité.
NikkFurie : L’année dernière nous avons fait plus de 70 concerts en France et à l’étranger, dans des bleds où des gens ne captent pas le Français. Ce qui leur fait bouger la tête c’est l’énergie. Ça a toujours été ça. Nous ne sommes pas venu dans le rap parce que c’était sympa, mais parce que ça nous faisait bouger la tête. Nous sommes là pour faire ça, le flow doit donner ça.
Saphir : Nous sommes d’une génération où les morceaux qui sortaient avaient du flow. Aujourd’hui un petit jeune de 18 ans, s’il se réfère à ce qui sort, automatiquement son rap ne sera pas terrible.
NikkFurie : A nos débuts, si tu prenais ne serait-ce que toute la scène du New Jersey, les mecs avaient une présence de ouf dans leur manière de rapper. Après tu ne peux pas t’enregistrer, te rendre compte que c’est tout keuss et te dire : « c’est normal, c’est pas de l’américain… ». Non, tu es obligé de chercher comment les gars font, comment rendre ton truc hyper fat. Nous n’avons jamais été pressé, nous ne voulions pas faire de carrière. C’était un sport pour nous.
HiTekk : C’était un kiffe.
Nikkfurie : Il fallait vraiment défoncer en écrivant le mieux possible, en ayant le meilleur flow. Et le jour où nous avons fait une carrière, nous avions tout ce background-là. C’est ce qui nous permet de faire des choses mortelles aujourd’hui.
HiTekk : Je n’écris que pour les morceaux. Je n’écris jamais entre. J’écris en fonction du son. Nous sommes tous plus ou moins comme ça. Et ça change tout. Déjà, parce que tu rentres réellement dans le son. La majeure partie des rappeurs adapte ses textes aux sons. Quand nous faisons écouter nos morceaux aux cainris que nous rencontrons, direct ils percutent. Ensuite ils se foutent de la gueule de l’autre rap français. Celui qui fait « tatati tatata », quand t’entends les paquets de rimes c’est du saccadé haché.
Nikkfurie : En grande majorité, nous faisons bouger la tête de gens qui ne nous ressemblent pas. Notre musique ne plaît pas au mec qui se dit : « ah tiens, c’est ma vie qu’il raconte » et c’est la meilleure des choses. Nous ne sommes pas venus pour raconter notre vie. Notre but a toujours été de faire de la bonne musique. Et ça inclut le flow et le son, et ça inclut l’énergie.
Tu veux dire que vous n’êtes pas rentré dans le cliché qui fonctionne : rap de caillera avec grosse voix ?
Nikkfurie : Ça serait venu naturellement, nous l’aurions fait. Nous n’avons même rien contre ça en fait. Il faut que tout aille bien ensemble. Tu ne peux pas reprocher à un groupe ses qualités. Un de nos titres s’est retrouvé sur un film américain énorme (Thé à la Menthe dans Ocean’s Twelve. Ndla). Le réalisateur aurait pu avoir n’importe quoi de n’importe qui, de Dr Dre à Timbaland, ou qui tu veux. S’il a pris notre titre, c’est que nous avons réussi notre pari, c’est-à-dire avoir un son La Caution. C’est tellement énorme de réussir à faire ça en étant « rap français ». Évidemment le bon rap pour nous, c’est le mec qui t’ébloui avec une putain de prestance niveau flow, niveau lyrics. Que ce soit simple ou compliqué, l’affaire n’est pas là, il faut que l’ensemble soit cohérent et hyper bien fait.
HiTekk : …pas un ersatz d’un autre rap. Sans le faire exprès, nous avons créé la nouvelle scène d’un rap spé ou je ne sais pas comment les gens appellent ça. Réellement sans le faire exprès, parce que nous avions juste l’ambition de faire de la bonne musique. Donc nous nous sommes retrouvés catalogué avec d’autres trucs qui ne nous ressemblent pas du tout et qui sont soi-disant de la même scène. Et ça me fait marrer parce que souvent ces trucs là ont des flows moisis, voir même pas de flow du tout. Et je me demande vraiment quel est le lien de rapprochement.
16S64 : C’est parce qu’ils n’ont jamais rien entendu de pareil. Les gars te cataloguent dans n’importe quoi parce qu’ils ne connaissent pas. Il n’y a pas de repères alors ils sont perdus.
NikkFurie : L’envie d’étiquettes en France est tellement dingue que tu es forcément catalogué. Alors si tu ne fais pas du rap de caillera pur et dur, tu es spé. Si tu n’es pas spé, tu es jazz ou sympatoche. Si tu es intelligent ou si tu as une sensibilité tu es slam et tout le monde pleur avec toi. C’est juste ridicule.
HiTekk : C’est clair qu’entre l’œil plaintif du labrador et le jazzy sympatoche il y a beaucoup de choses qui se passent ! Ce qui me fait encore plus marrer c’est de lire des articles parlant de flow : « Avec son flow excellent… ». Après tu te dis : « Putain ils parlent de ce mec qui ne fait que parler au micro, qui n’a pas de flow ! »
Peut-être parce que la majeure partie des gens assimile le flow à la voix, au timbre de la voix et pas à la musicalité.
HiTekk : C’est vrai, ce n’est pas con…Je crois que quand les journalistes écrivent sur les flows, ils veulent en fait parler des voix des mecs. Parce que quand je lis ou j’entends des analyses de flows de rappeurs qui ne font que parler et pas rapper, je ne comprends pas.
NikkFurie : C’est tout simple en fait. Quand tu parles de foot, personne ne va remarquer que le milieu défensif est fort. Un mec qui ne connaît pas le foot, ne remarquera pas le milieu défensif. Il va remarquer le numéro 10, le numéro 9 il celui qui fait une talonnade, mais il ne va pas faire attention à Makélélé par exemple. Il ne va même pas savoir qu’il est sur le terrain. Alors qu’un connaisseur, il va remarquer direct. Dans le rap, il n’y a que peu de connaisseurs. Il y en a tellement peu que tu ne te retrouves qu’avec des mecs qui ne remarquent que les paillettes, celui qui est passé à la télé.
Vous êtes plus, en revanche il y a moins de thèmes différents abordés dans l’album… Comment se fait-il que tout soit très axé sur la banlieue, l’argent, vous et chez vous ?
NikkFurie : Encore une fois c’est les sons qui nous conduisent à écrire. Sur La Caution, un morceau comme « Connasse », c’est le son qui a induit ça. À 5, c’est normal que nous ayons une vision beaucoup plus brute, beaucoup plus Noisy-Le-Sec. Quand nous sommes ensemble les thèmes tournent autour de nos références communes, notre vécu commun. C’est moins évident d’écouter les envies de musiques de chacun, de faire accepter ton propre truc. Nous restons dans un domaine très cadré. Nous gardons notre plume, mais c’est vrai que ça reste le quartier. En même temps nous sommes là pour êtres authentiques avec nous-mêmes. Nous faisons attention à mettre le côté réfléchi et le côté plus léger, voir le côté limite con parfois. Tu ne peux pas dire que tu penses politique toute la journée, parce qu’aussi parfois tu sors, tu te montre tout éclaté. Ça n’a jamais été notre but d’être l’exemple de qui que ce soit. Tout ça se reflète dans Les Cautionneurs avec la ligne de conduite qui nous correspond à tous.
HiTekk : Le concept des Cautionneurs est plus terre-à-terre. Ce qui nous intéresse tous c’est justement de rester « brut d’hommes de tess », c’était une expression que nous utilisions avant dans notre rap. L’ambition au départ n’était pas du tout d’épater par des thèmes différents. Nous ne sommes pas du tout dans la culture scolaire du thème.
NikkFurie : Pour nous faire un disque de rap, ce n’est pas faire la rédaction du siècle mais plutôt réunir toutes les punch line possible de notre personnalité. Un morceau sur le poker, c’est un truc que nous n’aurions jamais fait avec La Caution. Dans « Quinte Flush Royal » il y a tout de même quelques thèmes qui nous réunissent.
Comment avez-vous fait cet album ? En plusieurs fois, en enregistrant un morceau par-ci par-là au milieu de vos projets divers ou en une seule session, en vous enfermant en studio pendant une période donnée ?
HiTekk : Nous nous sommes donné une limite de temps dans laquelle nous avons fait l’album en entier. À part l’inédit qui est un morceau caché, nous n’avions aucun morceau préparé de côté. Nous voulions capturer la spontanéité que nous avons pu avoir sur « Asphalte Urlante » par exemple.
Saphir : Ou « L’Armée des 12 »…
HiTekk : Ça me fait chier d’écouter de la musique où il n’y a pas un pet, il faut laisser de la vie. C’est plus cet aspect qui nous intéresse et tu le ressens quand tu écoutes. Par exemple pour « Lettres de Noblesse », NikkFurie et 16S étaient déjà en studio. Avec Saphir, nous sommes arrivés en cours de route et nous nous sommes greffés sur le truc. À la fin, le morceau est tel quel. Au moment où nous sommes arrivés, il restait tel nombre de lettres, nous avons eu telles et telles lettres. Izno n’était pas venu ce jour-là, il n’a pas eu son taux de lettres !
Avec NikkFurie, nous n’avons pas fait de solo parce que nous jugions que nous n’avions pas à nous présenter. Quand tu écoutes, tu entends bien que la personnalité d’Izno n’est pas la même que Saphir, ni même que celle de 16S. En réalité même si l’album aborde des thèmes plus terre-à-terre, il y a plusieurs sensibilités dans l’album.
NikkFurie : Les Cautionneurs sont faits pour faire bouger. Saphir est déjà sur scène avec nous deux quand nous ne sommes que La Caution, Izno souvent, 16S quand il peut. En studio, tu ne te mouilles pas. Moi je m’enregistre tout seul, il n’y a pas de risques. Préparer un album pour ensuite le faire vivre sur scène, c’est complètement autre chose. Un album qui n’est pas suivi de concerts n’a pas la même énergie à l’intérieur. Nous on veut faire des albums patate, prendre de l’adrénaline sur scène. Un titre comme « Dorro », les gens captent immédiatement la vibe qu’il y a quand ils l’entendent en concert.
HiTekk : « Je te hais » a pris toute son ampleur avec les concerts. Les gens sont plus rentrés dedans après l’avoir vu plutôt qu’avec le disque uniquement.
Il y a eu un gros trou entre le premier et le second album de La Caution même s’il y a eu L’Armée des 12 entre deux. Là, en moins d’un an vous sortez le double album « Peines de Maures / Arc en Ciel pour daltoniens », un remix de l’album « La Caution rend visite aux gens, des gens rendent visite à La Caution » accompagné d’un DVD et aujourd’hui l’album des Cautionneurs. Vous voulez noyer le marché ?
HiTekk : C’est un hasard en fait. Nous fonctionnons à l’envi. Mais si tu regardes bien, nous avons fait la même chose dés le premier album de La Caution, « Asphalte Hurlante ». Nous avons sorti la réédition de l’album avec des inédits et tous les instrus, puis « Crash Test » avec Château Flight puis « l’Armée des 12 », tout ça en moins d’un an. Le trou est effectivement venu entre « L ‘armée des 12 » et le second album de La Caution. Au final, ça refait la même chose.
NikkFurie : Le cd remixé avec le dvd, « La Caution rend visite aux gens, des gens rendent visite à La Caution », c’était vraiment un truc qu’il fallait que nous fassions en sortie de tournée.
HiTekk : Les gens nous ont donné tellement d’amour lorsque nous étions sur scène que nous voulions les remercier. Nous voulions leur laisser un souvenir en quelque sorte. Ce n’est pas un dvd où nous nous montrons pour nous la raconter. Quand tu le regardes, tu t’en rends bien compte. Le second album de La Caution était très attendu parce qu’ « Asphalte Hurlante » avait été érigé au rang de classique du rap français. C’est un honneur mais aussi une pression terrible. Donc nous avons beaucoup travaillé pour produire quelque chose à la hauteur de cette attente. Visiblement, avec « Peines de Maures / Arc en Ciel pour daltoniens », nous avons réussi. Pour un troisième, nous allons un peu attendre. Les Cautionneurs sont comme l’Armée des 12, une autre voie. Comme il n’y avait pas de précédent, personne ne nous attendais avec ça. Nous avons tous simplement fait ce que nous savions faire. Nous avons travaillé à la cool.
Saphir : Nous avons fait ça comme on fait un truc de crew.
Izno : … pour faire connaître nos noms, dire que nous étions là.
NikkFurie : Pour ne pas troubler les gens, nous voulions faire une présentation. Comme ni Saphir, ni 16S64, ni Izno ne sont des mecs que tu peux entendre partout, il leur fallait se faire connaître. Ils ont chacun deux solo qui leurs permettent de présenter leurs talents. Le seul challenge qu’ils avaient était de se mesurer à notre expérience. En revanche lorsque nous allons nous mettre au troisième album de La Caution, mon challenge sera « Asphalte Hurlante » et « Peines de Maures / Arc en Ciel pour daltoniens ». Je ne penserai à rien d’autre qu’à ça. Et pour le second album des Cautionneurs, nous aurons une pression à l’échelle de « Quinte Flush Royale ».
Izno : Ma compétition ce n’est pas d’être meilleur que l’autre rappeur mais d’être meilleur que les Cautionneurs.
Tous vos albums sont toujours sortis chez Kerozen Music, votre propre label… Vous sortez ou envisagez de sortir d’autres projets que les vôtres ?
HiTekk : James Delleck est le seul mec qui soit sorti sur Kerozen en étant extérieur aux Cautionneurs. Nous n’avons pas pour vocation de devenir une maison de disque. Nous nous focalisons sur nous et notre entourage. Mais la porte n’est pas fermée. Prendre des gens c’est tout de même un gros engagement, tu dois bien faire ton taffe, tu dois beaucoup en retour.
NikkFurie : Un label si tu ne le gères pas comme une major, ça n’a pas lieu d’être, tu vas droit dans le mur. Notre but n’était pas d’essayer, c’était de faire. Nous avons quitté Assassin Production et créé Kérosen en 2001 pour le premier album de La Caution.
HiTekk : Nous avions une expérience de la production via les mix tapes que nous avions sorti comme « L’Antre de la folie ». Quand l’envie de l’album s’est manifestée, nous nous sommes alors dit que nous ne serions jamais mieux servis que pas nous-même. Au début l’idée n’était de créer une entreprise, mais surtout sortir ce premier album. Par la suite ce choix s’est mis à bien correspondre à notre façon de faire de la musique.
NikkFurie : Lorsque nous travaillons notre musique, aucun processus économique ne rentre en compte. En revanche nous travaillons à ce que Kérozen Music soit une société viable. Nous continuerons comme ça s’il le faut. Mais si demain une maison de disques comme Universal nous propose 1 million d’Euros pour promouvoir notre musique, Kerozen Music nous l’oublierons tout de suite ! Ça nous assurerait encore plus de liberté d’avoir de vrais gros moyens. Nous ne sommes pas dans l’alter mondialisme de la musique, nous sommes là pour que notre truc soit écouté le plus possible, mais encore une fois sans altérer la qualité. Nous ne sommes ni Krésus ni à la recherche du RMI. Nous avons une économie différente. Nous avons travaillé sur des films, nous avons une discographie hyper correcte pour un label indépendant. Kérozen ne se prend pas pour Sony mais fait en sorte de maximiser notre puissance artistique. Je trouve triste que quelqu’un qui amène quelque chose de nouveau ne puisse pas utiliser les mêmes armes que ceux qui vendent de la soupe.
Comment vous sentez-vous au sein du rap français ?
HiTekk : Le rap est devenu la variét’ des jeunes d’aujourd’hui. Les français pour la plupart n’ont capté que la flambe ou le côté entertainment que pouvaient avoir les Américains. Tu retrouves parfois d’ex-rappeurs quatre ans après dans tout à fait autre chose. Ce qui est livré aux jeunes par les gros médias n’a pas de passion, ça ne parle pas de musique. Il n’y a que des ragots. C’est la recherche de l’idole. Les jeunes ont besoin de kiffer quelqu’un. Il y a presque une relation homosexuelle avec les rappeurs. Nous sommes contre ce délire-là. Lorsque nous étions nuls, nous ne voulions rien sortir. Nous voulions que les gens kiffent notre musique pas nous particulièrement.
16S64 : Quand Time Bomb est arrivé, nous sommes tous retournés écrire nos textes. C’était une compétition, nous nous sommes dit que nous n’étions pas prêts. À l’époque c’était la passion du rap, ça n’existe plus aujourd’hui. Aujourd’hui il faut simplement que ça parle de tirs, d’untel qui a schlassé untel ou untel qui sort avec untel. C’est réellement de la varièt’ comme a dit HiTekk.
HiTekk : Quand nous avons sorti notre premier maxi, les gens disaient « ah l’électro c’est chelou ! ». Maintenant, tout le monde en fait. Quand en plus tu sais que c’est l’origine du rap, ça rend dingue. En 2002 quand « L’Armée des 12 » est sortie, nous étions les premiers à faire des sons dirty south. Cinq plus tard tout le monde s’y est mis. Les gens aiment à retardement. Il n’y a rien de « spé » dans ce que nous faisons finalement, ce terme n’a même pas lieu d’être pour parler de notre musique. Pour moi ce qui est spé, c’est le mauvais rap.
NikkFurie : Il te faut un bagage. Si tu n’as pas de réel background musical, si tu ne maîtrise rien de frais, tu ne peux créer que de la soupe.