Ça ne vous aura probablement pas échappé, le label Versatile fête ses quinze ans. Quinze ans chez la plupart des individus c’est l’âge de la déraison, de la drogue, de la délinquance sympa et de la mauvaise peau. Chez Versatile c’est un âge de sagesse, un âge mûr qui ne précède pas l’âge pourri puisque Versatile a été bâti dès la première brique pour durer. Quinze bougies à souffler c’est aussi l’occasion de rencontrer Gilbert Cohen, le fondateur du label et de sortir l’album-photo histoire de se remémorer les grandes et les petites heures de Versatile.
“L’idée de départ était de naviguer entre plusieurs styles de musique életronique, ne pas s’enfermer et faire émerger des artistes singuliers. Le constat est qu’on peut sur une longue durée sortir une musique exigeante et se renouveler. Du moins, j’espère. Mais quand j’écoute les prochains albums d’I:Cube ou de Zombie Zombie à sortir l’année prochaine, je me dit que c’est mission accomplie”.
Le nez toujours tourné vers les Amériques on oublie (trop) souvent le savoir-faire de nos terroirs. Si Jean-Pierre Pernault aimait l’électro, cela ferait belle lurette que Versatile et ses artisans seraient venus cruiser sur le plateau du 13h de TF1. Créé il y a bien des lunes, en l’an 96 du siècle précédent, Versatile a fait partie du cercle très restreint des bienfaiteurs de la musique hexagonale en offrant au monde des artistes ou groupes tels que Zombie Zombie, Joakim, Chateau Flight ou I:Cube (liste non exhaustive, on s’excuse pour les oubliés).
Comme tout label indé (comprendre qui n’appartient pas à une multinationale) Versatile fut un frêle esquif face à l’ouragan qu’a été le MP3/piratage, ce cancer de l’industrie du disque qui a poussé le label à se réinventer pour ne pas mourir. “C’est clair que tout ça a provoqué une division des ventes par 5 avec tout ce que ça implique. Mais ça nous a aussi obligé à sortir de notre studio pour faire des lives. C’est bien de se remettre en question mais c’est un peu éreintant par moment. Maintenant, il faut se rendre à l’évidence, l’époque où les labels vivaient de leurs ventes est derrière nous. La manière dont se diffuse la musique aujourd’hui est en pleine mutation et des modèles sont à inventer. Mais la tendance semble être celle d’une relation plus étroite et directe avec ses fans. C’est ce que nous tentons de faire, sans tomber dans l’obscène. Le fait de connaitre ce qu’a mangé Etienne Jaumet au petit déjeuner ne me parait pas d’une importance essentielle…” C’est certain. Sauf si Etienne se nourrit de coeurs d’enfants, ça pourrait jouer en sa défaveur.
Mais Gilbert ne s’est jamais laissé démonter par l‘adversité, être à la tête d’un label c’est aussi une plâtrée de bons moments qui valent la peine de se battre pour, comme “chaque fois que j’écoute et/ou joue pour la première fois un titre qu’un artiste m’envoie c’est une énorme excitation à l’instar de ce week-end dernier au Panorama Bar où tout le monde était en transe lorsqu’ai j’ai passé un nouveau Jaumet”. Mais ça peut aussi représenter quelques mauvais souvenirs comme “le dernier disque que j’ai fait en collaboration avec Nicolas Kerr (Aladdin). Je regrette qu’il n’ai pas eu plus d’impact auprès du public car il est plein d’humanité. C’est toujours difficile quand un disque ne rencontre pas son public”.
En quinze ans Versatile a imposé sa propre esthétique “une exigence dans la production, une liberté de son qui parle autant à la tête qu’aux jambes”. Un fait célébrable et confirmable ce samedi à la Machine du Moulin Rouge pour la chocoboum des quinze piges de Versatile.
Joyeux Anniversaire Versatile, en espérant vous en souhaiter encore de nombreux.