JAZZY BAZZ : VOYAGE AU BOUT DE SA « NUIT »

Le nuit, tous les rappeurs sont-ils gris ? Avec son nouvel album, Jazzy Bazz nous démontre que l’obscurité n’est pas un enfermement mais au contraire l’ouverture à toutes les inspirations, à toutes les pensées et à tous les possibles. Fort d’un très bon premier opus « P-Town » il y a deux ans, le rappeur du 19ème arrondissement de Paris repart pour une aventure qu’il porte avec envie et un appétit de jeune promu.

Bien qu’il ne soit pas le dernier venu, avec son passé dans les rap contenders et son appartenance au « super groupe parisien » (on peut utiliser ce terme à la mode) L’Entourage (aux cotés des Nekfeu, Alpha Wann, Deen Burbigo et autres Fonky Flav’), « P-Town » l’avait emmené vers plus de discipline dans l’écriture. Lui qui a toujours eu une idée précise de ce qu’il voulait faire, avait connu l’album de la maturité bien avant l’heure. Rappelons surtout qu’avant ce premier opus, Jazz Bazz avait quelque peu perdu l’inspiration, juste après l’EP « Sur La Route Du 3.14 » en 2012. Depuis tout est revenu dans l’ordre et plus que jamais pour « Nuit ».

 

 

Au sens propre comme au figuré, « Nuit » est bel et bien le résultat d’un travail nocturne. Au sens propre d’abord, le rappeur a bien bossé ses textes à l’heure où le commun des mortels dort. Quand il a publié le freestyle « Feu Grégeois » juste avant la sortie du disque, avec des images tournées dans la pénombre, on imaginait facilement que le rappeur se sentait inspiré, pendant une sessions de travail, au point de sortir enregistrer la performance en one shot et en toute spontanéité. Ce freestyle, qui n’apparait évidemment pas sur l’opus, représente peut-être les fondations de son travail pour l’album. Au sens figuré ensuite, il a choisi un moment commun à tous mais dont l’approche est différente, entre les noctambules, les insomniaques, les peureux ou encore les solitaires, tout était matière à produire.

D’ailleurs, les morceaux « Crépuscule » (en intro), « Minuit » (au milieu) et « Cinq Heure du Matin » (en conclusion) sont les points de repères temporels de cette nuit que Jazzy Bazz nous invite à passer avec lui. Sur les deux premiers cités, on souligne une excellente instrumentation digne de bibliothèques sonores de qualité avec en prime sur « Minuit » la participation de la chanteuse Sabrina Bellaouel en mode sirène nocturne.

 

 

Dans les intervalles, et comme dans toute nuitée, toutes les pensées, et les émotions qui vont avec, traversent nos esprits. On pense, on réfléchit, on se souvient, on divague, on hais et on aime. En début de soirée, Jazzy Bazz est chaud et bombe le torse dans « El Presidente » où il endosse le manteau d’un gourou à la tête d’une secte costumée en servantes écarlates. Dans la lancée, il invite son vieux complice de L’Entourage Nekfeu (une première fois) pour atteindre l« Éternité », la prospérité dans tous les sens du terme.

 

 

C’est quand on approche de minuit que les sentiments amoureux font surface. Le rappeur se met à penser à cette « Leticia » dont il se plaint ne pas avoir en retour l’amour qui lui porte. L’amour n’est pas vraiment son thème de prédilection mais force est de constater que la nuit ouvre à toutes les confessions, même pour l’Ultra du PSG. Ses aspirations deviendront plus charnelles un peu plus tard avec « Sentiments » (avec la brillante intervention de Lonely Band). Mais avant, ça pense aussi évasion, voyage et envie de quitter la grisaille de Paris à travers « Buenos Aires – Paris ». Une fuite sûrement liée à la déception amoureuse probablement.

 

 

Une fois les larmes séchées, on se ressaisit et on retrouve un peu de fierté. La mélancolie devient fierté, la tristesse devient presque colère et on obtient « Stalker » avec le retour de Nekfeu accompagnée cette fois-ci de Bonnie Banane. On commence à être dans le dur d’une nuit qui se prolonge. « L »insomnie » nous gagne et on ne fait plus qu’un avec elle.

C’est ensuite vers 3h du mat que les sensations reviennent. La torpeur s’en va et on ressent à nouveau le « Parfum » des choses. Et le travail reprend. Aux mots sur le papier s’ajoute désormais les premiers essais vocaux. La vibe se fait ressentir, on se lance et on ne s’arrête plus. Jusqu’à ce que les voisins envoient les flics. C’est le point de départ de « Rue du Soleil ». C’est enfin à « Cinq Heure du Matin » qu’on décide d’aller faire un tour, sur les faubourgs pour Jazzy Bazz, un splif dans la main, une bouteille dans l’autre et on marche sans fin. On se décide à appeler l’être aimé pour tout lui dire avant de rentrer se coucher.

 

 

Ainsi se conclue une nuit avec Jazzy Bazz. Une nuit inspirante qui a généré un très bon album « Nuit ». Peut-être meilleur que « P-Town » qui résultait il est vrai de ses impressions après les attentats du Bataclan. Contrairement au précédent opus, on distingue une plus grande ouverture et une diversité absolue (il n’y a qu’à voir la liste des invités) alors qu’auparavant, cela relevait plus de l’introspection. Jazzy Bazz a réussi à encore passer un palier, même si c’est à travers les émotions à la nuit tombée.

 

L’album « Nuit » est disponible sur l’ensemble des plateformes de streaming et de téléchargement légal.

 

 

TRACKLISTING :

01. Crépuscule
02. El Presidente
03. Éternité (feat. Nekfeu)
04. Leticia
05. Buenos Aires – Paris
06. Minuit (feat. Sabrina Bellaouel)
07. Sentiments (feat. Lonely Band)
08. Stalker (feat. Nekfeu & Bonnie Banane)
09. Insomnie (feat. Esso Luxueux & Alpha Wann)
10. Parfum
11. Rue du Soleil (feat. Monomite)
12. Cinq Heure du Matin

3.14 Production – Septembre 2018