Au climax de leur notoriété et au lendemain de l’album « Ego Death » en 2015, l’envie de partir en solo avait titillé les membres de The Internet au point de se lancer dans des projets plus proches de leurs identités individuelles. Mettant ainsi de coté le groupe sans jamais laisser apparaitre une séparation.
Syd s’était donc orientée vers des sonorités plus pop (sans jamais s’éloigner du RnB à la fois sombre et langoureux) sur « Fin », Matt Martians s’était replongé dans des prods psychédéliques et sous acide sur « The Drum Chord Theory », Steve Lacy plongeait dans la romance sur son « Steve Lacy’s Demo », Patrick Paige II sortait un disque intimiste et à son image discrète, et Christopher Smith nous délivrait « Loud ».
Si aucune réalisation n’est dénuée d’intérêt, il est vrai que les « leaders naturels » du groupe que sont Syd et surtout Lacy qui prend de plus en plus de place, ont plus facilement sorti la tête de l’eau aux yeux d’un public qui s’est peut-être cru forcé de choisir. D’autant plus qu’en dehors des États-Unis, l’aura de The Internet est bonne mais toute relative. Alors imaginez ce que cela donne quand le band splite pour proposer des projets pour le peu confidentiels.
Mais tout s’arrange avec « Hive Mind » qui est le 4ème disque et le premier uniquement sous licence Columbia, des Californiens. Et sans faire offense aux individualités, leur rassemblement est la meilleure des nouvelles.
Généralement, ce qui ressort des efforts d’une formation est un lot de concessions et d’arrangements visant à délivrer une vibe collective. Et l’on peut dire que The Internet ont réussi l’exercice sans trop de difficultés malgré la voix et les textes de Syd et le fait que chacun des musiciens soit un petit cador en matière de production et d’instrumentation.
Ce consensus est personnifié par le titre « Roll (Burbank Funk) » qui est le plus dansant du disque. Normal, le groupe a sorti le sample funky du « Sing Sing » de Gaz, un hit que tout bon DJ se doit de jouer en soirée. On imagine très bien que ce sample a fait l’unanimité. Il ne restait plus qu’à rejouer certaines parties et c’était parti tout droit sur l’autoroute du kiffe. Ici pas de prise de tête, on sort ses plus beaux pas de danse et même ses rollers comme l’a fait Patrick Paige II dans le clip. A noter que Steve Lacy s’est lancé dans le chant sur ce morceau en respectant le style ballade nonchalante et sexy plus communément appelé quiet storm.
L’évolution la plus marquante est peut-être la recherche d’un son de plus en plus épuré à quatre instruments. Il est loin le temps où le groupe cherchait encore à intégrer des sonorités électroniques (pour donner un coté cosmique notamment). La guitare de Steve Lacy étant pratiquement omniprésente avec de nombreux effets. Et dire qu’il avait intégré le groupe depuis « Ego Death » pour devenir pratiquement le membre en vogue (avec Syd) du band. Rappelons qu’à seulement 20 ans, il a déjà collaboré avec Kendrick Lamar et Big Sean (pour ne citer que les poids lourds du game). Tantôt wah wah sur « La Di Da », tantôt en mode rythmique soulful sur « Stay The Night » ou encore « Mood », tantôt façon pop californienne comme sur « Come Over », impossible d’ignorer la pâte Lacy sur cet album.
Dans la catégorie performance, la section rythmique, incarnée par Paige II à la bass et par Christopher Smith à la batterie, n’est pas en reste. Les lignes de bass sont par moment assez jubilatoires comme en intro de « Come Together ». Et que dire du méchant groove qui se dégage de « Roll (Burbank Funk) » et de « Look What U Started ». La batterie, elle, réussit de temps à temps de sortir de la rythmique classique du RnB mielleux. C’est le cas sur « Bravo » avec son effet métallique et sur « Next Time/Humble Pie » avec sa rythmique syncopée sûrement à l’aide d’une batterie électronique. On adore également les sonorités presque jazz fusion de la seconde partie (trop courte) de « Beats Goes On ».
Pour ce qui de Matt Martians, on regrette que l’apport de son clavier ne soit qu’anecdotique. Il paye peut-être cet aspect organique recherché sur « Hive Mind ». Dans la seconde partie du titre « Beat Goes On », on arrive à le retrouver sur quelques notes.
Quant à Syd, elle est plutôt égale à elle même. Sa voix douce contraste toujours avec des paroles de lesbienne dominante, n’hésitant pas à fustiger ça et là quelques ex. Les ballades, c’est son fort et quelques morceaux semblent encore être produit pour qu’elle nous transporte dans le suave (« Hold On »). Mais attention, elle ne détient plus le monopole du chant puisqu’en plus de « Roll », Steve Lacy se met aussi en avant sur la première partie de « Beat Goes On ». On peut s’attendre que ces deux-là s’adonnent à des joutes sur des mêmes morceaux à l’avenir.
Et pour finir, on ne peut remarque qu’il n’y a aucun featurings sur l’opus. Les projets solos de chacun des membres ont sûrement renforcé une confiance, une notoriété et un égo (dans le bon sens du terme) suffisants pour fonctionner sans invités. Ceci dit, Kaytranada, présent sur le précédent album, nous a tout de même offert un remix de son cru de « Roll (Burbank Funk) » avec ce qu’il faut de synthétiseur pour obtenir quelque chose d’assez différent.
Même si 4 ans séparent « Hive Mind » avec « Ego Death » et compte tenu des parcours des membres du groupe dans l’intervalle, on n’est pas certains qu’il faille savoir si l’un est meilleur que l’autre. L’évolution est palpable mais la musique de The Internet reste sensiblement la même au fil des années. Elle évolue assez pour qu’on ne tombe pas dans l’ennui. Et c’est peut-être cela le plus important. En tout cas, nous on adore.
L’album « Hive Mind » est disponible sur toutes les plateformes de streaming et de téléchargement légal.
TRACKLISTING :
01. Come Together
02. Roll (Burbank Funk)
03. Come Over
04. La Di Da
05. Stay The Night
06. Bravo
07. Mood
08. Next Time / Humble Pie
09. It Gets Better (With Time)
10. Look What U Started
11. Wanna Be
12. Beat Goes On
13. Hold On
Columbia – Juillet 2018