AVEC « A COMMON WONDER », AMERIGO GAZAWAY RÉUNIT ENCORE LE MEILLEUR DES DEUX MONDES

Le mashup est un exercice qui est considéré par certains comme facile (plus facile à dire qu’à faire ceci dit). Cela peut être vrai si on ne se contente que de faire du simple collage. Ce n’est évidemment pas le cas pour Amerigo Gazeway qui a fait de cette pratique une spécialité ou plus précisément un art.

Il l’avait d’ailleurs prouvé avec les retentissants « The Big Payback Volume 3 » (James Brown vs des rappeurs américains) et « Yasiin Gaye : The Return » (Yasiin Bey vs Marvin Gaye) tous deux sorties en la même année de 2014. Un excellent travail qu’il réitère cette année en rassemblant cette fois-ci deux icônes originaires du midwest américain et qui ont respectivement marqué leur milieu et leur époque.

 

 

C’est donc l’honorable Stevie Wonder qui est associé au grand Common à travers des morceaux revisités de leur discographie. Pour le choix du musicien non-voyant, Amerigo Gazaway explique qu’il voulait rendre hommage à son utilisation précoce des synthétiseurs qui ont eu un impact sur le hip hop.

Son association avec un des meilleurs lyriciste de tous les temps n’est pas dû au hasard. Ces deux là s’étaient récemment croisé sur un morceau du dernier album du rappeur de Chicago « Black America Again » paru en fin d’année dernière. Plus que du mashup, Amerigo Gazaway a l’ambition de faire naitre un véritable duo inédit né de son imagination de musicien. Et on peut dire qu’il s’en donne les moyens avec un redécoupage des samples, l’intégration d’extraits d’interviews et de sons d’archives, sans parler du travail sur des pistes sonores d’origine. Tout cela pour crée un véritable équilibre des forces qui fait de deux univers un seul et même monde.

 

Le tube ultra planétaire « Superstition » de Stevie a été repris des millions de fois c’est vrai. Malgré cela, Amerigo Gazeway réussit encore à nous enchanter (plus qu’à nous surprendre). Le titre est un mélange entre les paroles de « The 6th Sense » (dont la prod initiale est l’œuvre de DJ Premier) de Common et de l’incontournable ligne de synthé de « Superstition ». Rien à dire.

 

Autre air de piano légendaire de « Living For The City » (et que dire du refrain) qui est ici repris pour des lyrics emprunté au « The City » de Common (sur l’album « Be ») avec le fameux jeu de mot « Chi-Ty ». Pour rappel, le morceau original fût l’un des premiers à contenir des paroles anti-raciste. Il était également très élaboré niveau production puisqu’il incluait des sons provenant des bruits de la rue. Ce que n’a pas oublié de laisser Amerigo Gazaway.

 

On remonte le temps et la période rythm and blues de Wonder avec deux morceaux plus entrainants. Si Amerigo Gazaway s’amuse généralement à fusionner les titres, il ne l’a pas fait pour « I Was Made To Love Her » (à part pour le « her » en lettres majuscules) qui reprend ce titre datant de 1967 et signé chez la Motown. C’était l’époque où Stevie jouait systématiquement de son harmonica. Le titre contenait aussi des notes de sitar. Dans un soucis de cohérence, c’est le titre presque du même nom « I Used To Love H.E.R » (album « resurrection ») qui a été choisi pour des lyrics en cohérence avec cette thématique de l’amour.

 

La même année sortait le titre « For Once In My Life », écrit au départ par Ron Miller trois ans plus tôt, et qui était une mélodie plus langoureuse. C’est la version uptempo de Stevie Wonder qui lui a donné ses lettres de noblesse même si parmi toutes les déclinaisons, c’était la plus détestée par Berry Gordy. Le temps aura fait son œuvre. La particularité ici réside dans l’utilisation des paroles du « Love Of My Life » de Erykah Badu, track sur lequel apparait aussi Common dont des passages apparaissent également. Un ménage à trois réussi.

 

Même procédé sur « Bad Girl » dont le sample instrumental de « You’ve Got It Bad Girl » (album « Talking Book ») est difficile à reconnaitre à la première écoute tant il a été retravaillé (heureusement qu’il y a le refrain). Par contre, on reconnait bien le duo Common – Kanye West sur « The Food » qui figurait sur l’album « Be » (exit les passages de Dave Chapelle sur la version d’origine).

 

On retrouve ce duo de rappeur sur « Southside » qui récupère la joute verbale de « They Say » pour se superposer au « Joy (Takes Over Me) » du prodige de la soul (album « Signed, Sealed Delivered » de 1970). La guitare électrique du morceau est superbe et l’intervention de Common et West y trouvent une superbe place.

 

Toujours sur l’album « Signed, Sealed Delivered », Amerigo Gazaway a su ralentir l’excellent « I’m Yours » du musicien aveugle pour y poser un des tubes de Common : « The Light ». Le résultat donne un effet funky de première facture. On adore.

 

On pourrait continuer comme ça tant l’ensemble du disque est une réussite. Pour terminer, on va juste s’arrêter sur « Pop’s Rap » qui utilise les paroles de Lonnie Lynn Sr, le père de Common décédé en 2014, sur le morceau « Like Water For Chocolate ». Le bed musical est tiré du premier album « The Jazz Soul of Little Stevie » alors que Wonder n’était encore que Little Stevie à l’âge de 12 ans. Preuve que le producteur de Berkeley a prit en compte toutes les périodes du génie de la soul.

 

Évidemment, en tant que fans absolus de Stevie Wonder et de Common, on ne pouvait pas rester insensible à cet album. Encore faut-il que les mashups soient réussis. Et ils le sont comme la plupart du temps chez Amerigo Gazaway qui confirme qu’on peut écouter ses réalisations les yeux fermés et surtout les oreilles ouvertes. Précipitez-vous, d’autant plus que c’est gratuit !

 

 

L’album « A Common Wonder » est en effet disponible en téléchargement gratuit sur le Bandcamp de Amerigo Gazaway.

 

TRACKLISTING :

01. Intro Theme (I Wonder)
02. I Was Made To Loe H.E.R
03. Living For The Chi-City
04. Resurrection To Higher Ground
05. Bad Girl (feat. Kanye West)
06. The Sixth Superstition
07. Innervision Intermission
08. Sugar By The Pound
09. For Once In My Life (feat. Erikah Badu)
10. Like They Used To Say
11. God Bless The Freestyle (interlude)
12. The Light (I’m Yours) (feat. Bobby Caldwell)
13. Southside (feat. Kanye West)
14. Pop’s Rap (feat. Lonnie Lynn Sr)
15. The Sixth Wonder (bonus track)

Soul Mates Records – août 2017