Il est cérémonieux ce nouvel album de Mondkopf, non ? Oui, cérémonieux. Et si l’ensemble semble si cérémonieux c’est que l’on enterre l’ancien Mondkopf ici. On ne sait pas encore vraiment si l’électronique française connait sa Renaissance mais Mondkopf, lui, est en pleine résurrection. Et comme l’on ne renait jamais mieux ailleurs que de ses cendres, c’est parmi les flammes des enfers, dans le royaume d’Hadès, que Mondkopf forge ce quatrième album.
Au travers des âges, le sujet antique a toujours nourri de grandes œuvres, ponctués de grands mouvements. L’antique, le mythique ou le religieux possède une richesse épique et une puissance dramatique idéale pour qu’un artiste y éprouve son style. Voyez Œdipe par Cocteau, Saint-Sébastien chez Pierre et Gilles ou, ici, Hades par Mondkopf. Opter pour un sujet éprouvé durant des siècles, cela peut sembler intimidant mais on peut difficilement se tromper.
L’esthétique libérée des cadenas du club suite à Rising Doom, c’est entre les Perc – qu’il côtoie amicalement et esthétiquement – ou les Ben Frost – avec qui il partage l’amour pour les matières rugueuses, écaillées et inquiétantes – que Mondkopf navigue aujourd’hui. Pour anecdote, c’est d’ailleurs sur le label de Perc que devait naitre cet Hadès mais, contrarié par des ennuis financiers, c’est finalement dans la propre maison de Mondkopf, In Paradisum, qu’il verra le jour. Et ce, sans avoir à en modifier une virgule, tant ce foyer palpitant de tumulte s’adapte aux esthétiques des deux maisons. Œuvre absolue, où le doom, le drone, la techno sont les bras armés de ses frustrations et colères, Hadès est un objet volcanique partagé entre sa lave en fusion et ses éruptions, sa techno ébréchée ou son requiem d’ambient. C’est un album bichromé en noir & rouge, comme son artwork, parfois doré par ses solennelles trompettes, maniant dans chaque main le calme et la tempête, la paix et le rudoiement, l’un offrant de la dimension à l’autre.
Hadès, c’est un album brulant aux parois glacées, parcouru d’une fièvre et d’un frisson de tout son long. Le genre d’œuvre animée par les tourments de son auteur; cathartique jusque dans ses moindres silences. Un LP qui trouve tout ce qu’il cherche, si ce n’est un public. Dans sa chronique, Olivier Laam de The Drone dit très justement que cet album s’adresse à un public qui n’existe pas encore. Et c’est très vrai. Si Hadès embrasse autant le doom, le metal que la techno, il tourne le dos à tout leur public. Peu importe s’il est compris de ses contemporains, Mondkopf vient de renaitre sous l’égide du « Roi des morts » – l’image est on ne peut plus astucieuse – accompagné d’un album qui ne gagnera pas de Grammy, qui n’accompagnera pas vos achats de chips chez Franprix, qui s’exportera sûrement hélas trop mollement mais qui pourtant s’avère important. Hadès est peut-être le genre d’Oracle racontant ce que la techno deviendra. Aux boules à facettes des Daft, Mondkopf a préféré celle de cristal pour faire rayonner fièrement l’électronique d’en France.
Mondkopf Hades / Sorti chez In Paradisum