Il y a d’abord l’individu, Perc, dont la techno a toujours eu l’œil torve. Puis, il y a le titre de ce deuxième album, qui intrigue autant qu’il suggère. Et surtout, il y a l’œuvre, où tout le tempérament orageux d’Ali Wells – électrique, lourd, nuageux et menaçant – investit et pulvérise son sujet. Au final, il y a The Power & The Glory un témoignage brutal et cruel de l’électronique sur les temps présents.
Aux côtés de la deep house souveraine sur l’époque, pratique pour conforter nos sens et nos conceptions, l’album de Perc à l’air d’un cocktail Molotov. L’engin sent la poudre, et à raison puisque c’est un brulot. Depuis l’odeur de souffre que dégage le titre de cet album et qui traverse sa réalisation de bout en bout, il est aisé de poser son opinion dans un contexte politique. D’autant plus lorsqu’en parcourant le tracklist, on croise des titres tels que « David & George » (référence au premier ministre Britanique David Cameron et à George Osborne, deux leaders Conservateurs) qui laissent peu de place à la confusion. Oui, Ali Wells est remonté comme un coucou et cet album a été conçu rage au ventre, newspaper sur les genoux et avec la politique pour boussole.
Mais si le titre a servi d’aiguillage, l’album n’est pas pour autant une œuvre engagée et dénonciatrice, le doigt pointé et le poing levé. La gloire et le pouvoir, sont deux notions cardinales appelées à porter la colère de Wells, deux sentiments extrêmes pouvant conduire à des actes extrêmes, un contexte DONC extrême idéal pour qu’un radicaliste comme Perc y laisse s’abattre son tonnerre et sa fièvre. C’est en ça que l’on transcende ici les genres, l’expérience sensorielle prime, on converse de tripes à tripes et on cherche à rudoyer les sens. C’est en ça que si techno il y a ici, elle est orpheline, c’est une bestiole folle, sauvage et imprévisible. C’est en ça qu’au sein du tumulte de The Power & The Glory, la politique n’est que la peau d’une catharsis musculeuse et tempête.
À l’écart du minimalisme (Berlinois) qui triomphe dans le genre, Perc trouve sa force dans le relief et nourrit son identité d’aspérités et d’accidents. Une hystérie globale où le trouble, le vertige et la vision écaillée servent avec fragilité une vision brutale. Passée l’idée d’une dystopie du temps présent, où l’organique est captif d’une machine barbare et inhumaine, reste une peinture de la société actuelle réalisée à la bile, quasi Brechtienne, où le trait abusivement sévère ne semble plus tant abusif que ce qu’il y a voir inquiète.
Perc The Power & The Glory / Sorti chez Perc Trax