Daniel Avery « Drone Logic »

Finies les putasseries des bangers de stades US et les branlettes de la dubstep et post-Intelligent Dance Music… Avec Drone Logic, Daniel Avery t’invite à tourner une page et à revenir à une musique électronique viscérale, profondément ancrée dans la culture club anglaise et aussi immersive écoutée au casque que trippée dans un club.  

 Difficile de passer à côté de Daniel Avery : producteur adoubé par Andrew Weatherall, dj passé par la case « résident à la Fabric » et auteur de remixes souvent dingues pour The Horrors, Django Django, Primal Scream ou Michael Mayer… Le jeune dj passé producteur sort maintenant son premier album sur Phantasy Sound, label d’Erol Alkan sur lequel il est signé depuis « Need Electric » en juillet 2012.

Première impression à l’écoute du disque : Daniel Avery dépasse largement son étiquette un poil paresseuse de producteur sous influences Chemical Brothers, Underworld, Leftfield et autres avatars de l’électro superstar des années 90. Sur « Water Jump », titre d’ouverture taillé pour être joué dans la salle 1 de la Fabric – dixit Avery –, les loops de voix féminines éthérées, quasi-orientalisantes, sur fond de proto-breakbeat, rappelle effectivement les Chemicals de « Out of Control », le côté « featuring de Bernard Summer » en moins, les voix étant ici réduites à des dubs minimalistes et répétitifs. Les airs de Drone Logic sont par contre moins emportés et lumineux. Dans l’esprit, on retrouve plus ici des traces du psychédélisme noir de Death In Vegas période The Contino Sessions.

Pour le reste, pas de fioritures pop, ni de volonté de se rapprocher de quelconque sonorités organiques, mais une techno 100% analogique, aux constructions solides et bardées d’étincelles psychédéliques et montées acides. Daniel Avery déploie sur 12 titre et sans s’essouffler des ambiances réglées aux drones de synthés près, retrouvant les sonorités raves et urbaines des années 90 pour mieux les concilier avec ce fameux « esprit rock » (vilaine expression) évoqué pour ses ainées. Une sensation marquée ici non par de quelconques refrains et effets live, mais par une certaines générosité dans la palette de sensations offertes. Traduction : Avery ne fait pas de rétention avant de lâcher ses nappes électrifiantes, proche du shoegaze, cela après avoir posé ses ambiances à coup de ligne de basse en plein culbute électro. Il peut rappeler en ce sens Ivan Smagghe, dj conduisant ses playlists de minimal avec lui aussi une pure énergie rock. Avery se montre également  talentueux pour les soudaines mises en tension, l’utilisation de pédales de guitares Wah Wah (sur « Drone Logic ») appuyant fortement le frisson acide. Mais pas d’euphorie pour autant, l’univers déployé restant souvent dark comme un soundsystem de fin du monde.

A la différence de beaucoup de producteurs déconstruisant en studio le type de sons joués lors de leur dj-set, Drone Logic est un album à écouter autant chez soi que sur un dance-floor. Un disque  ultra-cohérent, loin des standards de l’électronique où trois morceaux forts, taillés pour devenir emblématiques font trop souvent passer la pilule de titres moins ambitieux. Après avoir enchainé ses singles sur les premières pistes, Daniel Avery se permet ainsi quelques petites pauses (la mélodie sous arpeggiator « Platform Zero » et l’interlude angélique « Spring27 ») avant, surprise, un trio final complétement épique et enchaînant un titre deep et langoureux (« Simulrec »), une montée psyché et solaire (« New Energy », comme un remake 2013 du« Private Psychedelic Reel » des Chemicals) et une explosion finale chargée de tout ce qui s’est passé avant, Daniel Avery nous abandonnant sur un titre presque feel-good et dont les montées donnent envie de se serrer fort sur un dance-floor (le bien nommé « Knowing we’ll be here »).

Drone Logic fait donc partie de cette petite poignée d’albums de musique électronique sortis ces dernières années à se tenir de bout en bout. A la fois référencé, complétement dans le présent et ouvrant de nouvelles portes sur le futur, le jeune producteur s’y montre en phase avec son temps. Celui d’une décennie peut-être plus inquiète et rentrée sur elle-même. Et s’il garde un pied ancré dans l’underground et le trip cérébral, l’ambition et la maîtrise déployées sur ce premier disque l’ouvre à un public bien plus large que le simple cercle d’initiés.

Alex Beguin

Daniel Avery Drone Logic / Sorti le 7 octobre chez Phantasy (Because)

© Éva Merlier
© Éva Merlier