Comme le PSG, Ninja Tune semble avoir un certain talent pour le recrutement. Sauf qu’ici, il n’y aura pas eu besoin d’allonger un chèque du Qatar pour s’offrir un des meilleurs joueurs du marché. Machinedrum n’a que rarement porté aussi bien son nom et vit à 160bpm sur son dernier album : Vapor City.
On a connu Machinedrum via Want To 1 2 et l’abstract qui collait à son temps. On a été enchanté en le redécouvrant sosie de Jacques Greene sur Rooms, pour finalement se dire avec Vapor City qu’on retrouvera notre girouette toujours dans le sens du vent. Oui, quelque soit le projet, Stewart change plus souvent de visage qu’un bandit en cavale.
Les déménagements artistiques font souvent échos à ceux (géographiques) de leurs auteurs. Comme 72 % du panel électronique (on a compté sur nos doigts), c’est une installation à Berlin qui a poussé Travis Stewart (une nouvelle fois) hors de ses frontières. À vrai dire, en neuf albums (eh oui déjà) on a eu l’occasion de constater que Stewart est un type qui ne tient pas en place esthétiquement. Un gros routier qui – après quelques currywursts, une collab avec Jimmy Edgar (JETS), un EP chez Hotflush – (re)prend la direction des Amériques, du moins dans sa musique, vers Chicagoet son produit local (lorsqu’il n’est pas la house) : la juke. Cela fait un moment que l’on voit apparaître quelques symptômes dans ses titres (même à l’époque de Rooms), mais aujourd’hui le footwork est devenu une pandémie dans toute sa production, au point de lui consacrer ce dernier album. Et comme une bronchite se transformerait en pneumonie, ce LP n’est pas seulement celui du footwork mais aussi celui d’un vieux sosie (pour ne pas dire cousin) anglais, vivant de-même à 160bpm : la jungle. Bah oui, rien ne se perd, tout se transforme et la jungle comme la drum & bass reviennent ici chez Machinedrum ou là chez FourTet et Om Unit (Roni Size serait même sur le retour. Sans blague). Voilà de quel bois est fait Vapor City, ville aux paysages fermentés dans l’esprit de Stewart, cartographie de ses rêves (on notera des nuits tumultueuses chez cet enfant) dessinée à la juke et peinte à cet ambient de tunnel typique d’un Burial.
Evidemment, il y a du cliché dans la jungle de Machinedrum (les voix ragga, le synthé « sabre laser ») mais il y a une volonté d’élever ces « sons interdits » vers une matière radieuse, profonde et puissante. Chaque titre étant un quartier, Vapor City dévoile un Machinedrum architecte de l’électronique, qui évite les productions au Placoplatre et bâti sur plans de beaux monuments taillés d’un même marbre, froids au toucher, sobres, solides, cohérents et élégants. Comme quoi, il ne manquait à Travis et son ADN de girouette qu’un fil conducteur.
Machinedrum Vapor City / Sorti le 23 septembre chez Ninja Tune