ASAP Ferg « Trap Lord »

Ferg, gros bras charismatique du crew ASAP, livre un album street et cru. A vos marques, prêts, trappez.

Si ASAP Rocky est une tête d’affiche bien connue aujourd’hui, il faut avouer qu’à son entrée au bélier dans l’industrie en 2011, on avait un peu de mal à distinguer les innombrables ASAP Machin qui s’engouffraient dans la brèche. Mais de featurings en interviews (hey Nardwuar) et d’interviews en projets communs, on commence à connaître les personnalités et à voir une réelle cohérence dans l’univers polymorphe du ASAP Mob. Musique, clips, fringues, ce qui paraissait au départ une nébuleuse de ASAP homeboys plus ou moins dispensables s’impose peu à peu comme une vraie marque indépendante de son frontman. Ferg est le premier ASAP artiste à succéder à Rocky sous les projecteurs. Trap Lord est l’occasion pour le Harlemite de montrer ce qu’il a dans le ventre sur format long.

Le titre ne ment pas, l’album est principalement composé de morceaux lourds avec BPM ralentis, flows staccato typiques de la trap music (ou drill music, qu’importe). Le propos street est standard, mais Ferg, vraie pile électrique, infuse le projet de son énergie qui tranche avec la nonchalance enfumée de son compère Rocky. Ses couplets excentriques aux accents jamaïcains (« Let It Go ») et aux intonations volontairement surjouées compensent son lyricisme relativement limité et lui permettent de se démarquer de la concurrence.

L’inspiration dancehall est chez lui plus qu’un gimmick occasionnel, c’est une véritable influence musicale et une source constante de défoulement cathartique. Le single ultra-efficace « Shabba » et son refrain martial en sont l’exemple le plus explicite, mais ce n’est pas le seul gros son qui nous permettra de secouer la tête comme des mongols. Le remix de « Work » (avec French Montana, Trinidad James, Schoolboy Q et ASAP Rocky), malgré la nette contre-perf de French Montana, risque de traumatiser les parois oculaires pendant un moment. Certains invités jouent un rôle non négligeable sur le projet. On ressent une alchimie particulière entre Ferg et Wacka Flocka Flame, dont la collaboration se mue rapidement en un une-deux effréné (« Murder Somethin »).

Dès la première écoute, Trap Lord écarte les craintes de voir débarquer un ersatz d’ASAP Rocky, dévoilant un artiste cru et très charismatique. C’est cette personnalité forte qui crée un bémol toutefois, en nous laissant un goût de revenez-y. Trop rares, en effet, sont les moments où Ferg se défait de son armure de hustler ultraviolent. Ce sont ceux-ci pourtant qui donnent à l’album sa facette la plus intéressante, qui gagnera à être développée sur les projets futurs du rappeur. Les morceaux les plus introspectifs comme « Hood Pope » et « Cocaine Castle » sont aussi les plus sombres, et laissent à voir un Ferg plus contemplatif, blessé par le hood. Alors que des artistes comme Chief Keef ou Gucci Mane font de la trap music (presque) festive, il y a quelque chose, dans l’ambiance de ce Trap Lord, de l’ordre du morbide. Des pointes de désespérance, de gothique, des relents de l’esthétique horrorcore et de la mystique d’un DMX façon It’s Dark And Hell Is Hot. Pas la plus moche des ressemblances.

François Oulac

A$AP Ferg Trap Lord / Sorti le 20 aout chez RCA

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