Forest Swords « Engravings »

Comme disait Ned : Winter Is Coming ! Oui, couvrez-vous car si une hirondelle ne fait pas le printemps, on n’espère très sincèrement que ce deuxième album de Forest Swords ne fasse pas l’hiver. Il serait nucléaire. Tornade placide qu’aucune Evelyne Dhéliat n’a vu venir, hormis les miss météo de l’indé type Pitchfork, Engravings à la pureté et la beauté vierge des premières neiges et semble éternel comme celles des toits du monde. Un des paysagistes de l’électronique les plus élégants de 2013.

« Les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon cœur d’une langueur monotone. » Si Paul Verlaine était né dans les 80’s au fin fond du grand nulle part Britannique, il aurait probablement pu produire Engravings. Néanmoins, outre les langueurs monotones communes à Barnes et Verlaine, la comparaison s’arrêtera là. Oui, concernant le reste on aurait plutôt affaire à un Valhalla Rising de l’électronique, une épopée minimaliste et brutale tant mutique qu’à tripes déployées. Donc disons-le tout de go : nous ne sommes pas confrontés ici aux paysages sonores tournant (comme trop souvent) à la balade en pédalo sur le lac Ennui.

Trois ans se sont écoulés depuis Dagger Paths. Trois ans servant à méditer, à ne pas battre le fer tant qu’il est chaud de peur de se bruler les ailes, trois ans aussi à devoir faire face à une affliction nouvelle. Entre ses deux LPs, Matthew Barnes s’est vu succomber à une acouphène permanent, l’handicapant dans toutes ses tâches quotidiennes et évidemment dans sa musique. Peut-être vient-elle d’ici la douleur d’Engravings, son auteur s’étant questionné chaque jour sur son sort, se demandant s’il continuerait la musique. Peut-être vient-elle d’ici cette colère contenue, Barnes utilisant son album comme une catharsis. Et peut-être que toute la présence physique de l’album prend source ici aussi, l’auteur compensant son audition vétuste en cherchant à toucher (par et pour) d’autre sens. Voire le reste du corps.

D’où l’expérience sensorielle totale provoquée par Engravings, il y a ici quelque chose de palpable, quelque chose de massivement visuel. Il y a des ressorts dramatiques très accentués qu’il serait réducteur d’attribuer uniquement à ses déboires de santé. Déjà parce que Barnes avoue s’être inspiré de mythes Vikings et du folklore de Wirral – la ville où il a grandi – pour bâtir ce deuxième album. Ensuite parce que Barnes est graphic designer de profession et qu’il considère produire comme on manie Photoshop. Donc si sa musique semble imagée, ça n’est pas une finalité mais bien une nécessité pour Forest Swords.

Engravings c’est de la drama bass, du doom metal habité ou encore du hip hop indolent collaborant pour raconter des temps archaïques. Engravings c’est aussi une épopée Wagnérienne en slow motion, une Walkyrie screwed. Et puis surtout Engravings, c’est une décharge d’azote liquide : un brûlot à température négative. Même amoindri, Forest Swords vient de réaliser une des œuvres les plus intenses de l’année.

Forest Swords Engravings / Sorti le 16 septembre chez Tri-Angle Records

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